Le calendrier de la nouvelle organisation entre professionnels de la filière visuelle s’accélère : suite aux 2 rencontres entre syndicats des professions concernées, ministère de la Santé et Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, des mesures concernant la prescription, la délivrance et le renouvellement des ordonnances devraient être prises d’ici le début 2022. Mettre en place rapidement de nouvelles coopérations entre les 3 « O » semble être la seule solution pour garantir, au plus vite et dans les prochaines années, l’égalité d’accès aux soins visuels sur tout le territoire.

Le rapport de l’Igas ne restera pas lettre morte : à court terme, c’est-à-dire dès début 2022, les opticiens devraient voir leurs prérogatives élargies selon ses préconisations (allongement de la durée de validité de l’ordonnance, modification de la primo-prescription déjà inscrite dans la nouvelle convention Cnam, élargissement des possibilités de délivrance, mesures sur la prescription). Quoi qu’en dise le Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France), les dispositifs existants, qu’il s’agisse du développement du travail aidé en cabinet d’ophtalmologie, des 2 décrets Opticiens et Orthoptistes sur le renouvellement des équipements ou de la mise en place des cabinets secondaires dans les zones sous-dotées en ophtalmologistes, n’ont pas suffi et ne suffiront pas pour résorber les délais moyens d’attente chez les ophtalmologistes (43 jours en 2019, selon l’étude de CSA pour le Snof).

« 63% des ophtalmologistes en Seine-Saint-Denis, département déjà très sous-doté, ont plus de 60 ans »

Car le difficile accès aux soins visuels et à l’ordonnance repose sur un problème démographique et géographique. Actuellement, 49 départements (soit 25 millions de Français) ont une densité moyenne de 5,6 ophtalmologistes pour 100 000 habitants (densité moyenne nationale 9 ophtalmologistes pour 100 000 habitants). Or, tous les acteurs du secteur, ophtalmologistes compris, estiment qu’un territoire est sous-doté avec une densité moyenne inférieure à 8 ophtalmologistes pour 100 000 habitants. Dans ces départements, de surcroît, la proportion d’ophtalmologistes de plus de 60 ans s’élève en moyenne à 45%. Ainsi, en Ardèche (5 ophtalmologistes pour 100 000 habitants), 40% des médecins de cette spécialité ont 60 ans et plus. Ils sont 63% de 60 ans et plus en Seine-Saint-Denis (densité de 6 pour 100 000 habitants) et 37,5% dans la Manche (densité de 5 pour 100 000 habitants).

« Dans 5 ans, 87 départements, soit 48 millions de Français, auront une densité d’ophtalmologistes inférieure à 7 pour 100 000 habitants »

Comme le souligne André Balbi, président du Rof (Rassemblement des opticiens de France), « dans 5 ans, à supposer même que les nouveaux entrants dans cette spécialité médicale viennent s’installer dans ces départements déjà fragiles, ce seront 87 départements (soit 48 millions de Français) qui auront une densité inférieure à 7 ophtalmologistes pour 100 000 habitants ! »

Face à cette situation, le Snof maintient sa position : le développement du travail aidé et des cabinets secondaires dans les zones sous-dotées, les protocoles de coopération avec les orthoptistes suffiront à résorber les délais d’attente et à garantir l’égalité d’accès aux soins visuels dans tous les départements. Or la variation des densités des orthoptistes (en moyenne 8 orthoptistes pour 100 000 habitants) suit à peu de choses près celle des ophtalmologistes, même si leur démographie est plus dynamique (âge moyen, 39,6 ans). Tandis que le nombre et le maillage territorial complet des opticiens militent pour une réorganisation des coopérations entre les 3 « O » qui les intègrent comme porte d’entrée du patient dans le parcours de soins.

« Les points de blocage demeurent chez les ophtalmologistes mais ne devraient pas résister aux besoins de nouvelles coopérations interprofessionnelles incluant les opticiens »

Les points de blocage demeurent : le Snof s’arc-boute sur son refus de la prescription-délivrance, s’appuyant sur la formation actuelle des opticiens à bac+2 et l’absence de règle déontologique de la profession. Une attitude qui ne devrait pas résister longtemps, pourtant, face aux souhaits des pouvoirs publics d’avancer vite vers de nouvelles coopérations interprofessionnelles incluant les opticiens.

Marie-Dominique Gasnier, rédactrice en chef

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