La nouvelle convention qui organisera les rapports entre la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et les opticiens, à partir de l’année prochaine, sera signée par les 3 syndicats Fnof, Rof et Synom dans les prochains jours. Certes, ce n’est pas une révolution pour l’exercice de la profession. Néanmoins, elle porte des avancées importantes pour la profession.

Cnam

La précédente convention datait de 2004 et l’année de négociations entre les représentations syndicales des opticiens, la Cnam et l’Unocam, présente pour la première fois, a abouti à une intégration des nouvelles conditions régissant le marché, à la suite de la réforme du 100% Santé.

Vers un opticien de santé

Première avancée : la convention conforte la volonté de la Sécurité sociale de continuer à s’investir dans les soins optiques. Ce que prouvent non seulement les aides financières accordées aux magasins pour les indemniser du coût des flux de transmission à la Cnam. Mais aussi l’engagement de cette dernière sur le remboursement de la prestation d’adaptation, quel que soit l’équipement délivré, panier A ou panier B.

« Le rôle de la Sécurité sociale comme instance de contrôle des prises en charge est conforté »

« Nous saluons le fait que la Cnam s’installe comme gardien du temple de la prise en charge », analyse André Balbi, président du Rof (Rassemblement des opticiens de France). « Elle s’engage à contrôler les cas dérogatoires pour les renouvellements avec adaptation et se positionne comme partenaire des opticiens. En revanche, nous regrettons l’absence de volonté de l’Unocam de travailler sur l’uniformisation des flux de facturation au détriment de la lisibilité et de la qualité des prises en charge d’assurés. » « Maintenant, la Sécurité sociale nous paie pour travailler avec elle », constate Alain Gerbel, président de la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France).

« Dans le droit fil des avancées de ces dernières années, la convention ouvre la voie à une profession de santé à part entière et émancipée »

Au-delà, c’est bien sûr la reconnaissance réaffirmée de la prestation des opticiens en vue d’une adaptation d’ordonnance, y compris pour une primo-délivrance, qui transcrit dans les modes d’exercice les aspects positifs de la réforme 100 % Santé. Ce dont se félicitent tous les syndicats d’opticiens. « La possibilité d’adaptation de la primo-délivrance met, enfin, un terme à une hérésie qui était coûteuse financièrement pour la Sécurité sociale et pour les Ocam de surcroît », indique Véronique Bazillaud, déléguée générale du Synom (Syndicat national des opticiens et centres mutualistes). « On est en train de construire pas à pas une profession de santé à part entière et émancipée. Même si on peut souhaiter aller plus vite, nous sommes sur la bonne voie », commente Alain Gerbel. « Des engagements ont été pris afin de poursuivre les évolutions et trouver des solutions aux déserts médicaux », souligne André Balbi.

Un coup d’arrêt pour l’optique à domicile ?

La Cnam réitère cependant 2 règles concernant les pratiques professionnelles hors magasin. Ce qui a suscité un certain émoi et une inquiétude chez ceux d’entre vous qui interviennent à domicile ou en Ehpad : l’optique à domicile interdite désormais ?

De fait, la nouvelle convention ne change rien aux dispositions réglementaires déjà présentes dans la précédente. Ce n’est d’ailleurs pas son rôle, elle ne peut pas aller plus loin que la loi. Or, actuellement, l’examen de réfraction ne peut pas être pratiqué hors magasin, en Ehpad par exemple. Ce qui ne signifie pas que l’intervention d’un opticien y soit interdit.

« La nouvelle convention ne change rien pour ce qui concerne l’exercice actuel de la profession hors magasin »

C’est bien le « blocage » auquel se heurtent les opticiens qui souhaitent développer leur activité à l’extérieur du point de vente : leur rôle se limite à la simple délivrance de l’équipement. Insuffisant si on veut vraiment répondre à l’enjeu du bien voir, particulièrement chez les seniors, sachant qu’en moyenne, les plus de 75 ans ont une ordonnance qui date de 8 ans ! Les pouvoirs publics en sont bien conscients : un décret de février 2020 autorise déjà les opticiens, dans le cadre d’une expérimentation, à pratiquer des examens de réfraction hors magasin sur la base d’une ordonnance valide. Ce qu’intègre la nouvelle convention Cnam (voir encadré). Mais on attend toujours la désignation des 4 régions choisies pour cette expérimentation.

Pas de retour en arrière donc pour l’optique « mobile » mais pas d’avancées non plus. Un frein cependant au développement de nouveaux services comme ceux que propose aux entreprises à partir de ce mois-ci le réseau de soins Itelis en partenariat avec C’Evidentia et Optical Center (dépistage visuel, examen de la vue, information sur la santé visuelle et choix de l’équipement en entreprise).

Et maintenant ?

Etape importante pour la profession dans son ensemble, la nouvelle convention n’intègre pas les recommandations du rapport Igas, dont l’élargissement des possibilités d’adaptation des ordonnances par les opticiens et de la liste des matériels d’exploration utilisables (Filière visuelle : les lignes bougent enfin !). Ce que regrettent unanimement les syndicats.

« La Cnam s’est engagée à inclure par avenant toute nouvelle disposition qui pourrait être prise par le ministère de la Santé dans les mois à venir pour améliorer l’accès aux soins visuels »

Mais cette « désynchronisation » par rapport aux préconisations de l’Igas (en raison du retard pris en 2020 compte tenu des circonstances) n’est pas définitive. Des engagements ont été pris par la Cnam, et la nouvelle convention devrait intégrer les évolutions futures induites par le rapport Igas et les propositions de loi qui seraient déposées. Des avenants indispensables au risque de voir se développer des pratiques en dehors du cadre réglementaire et sans régulation.

André Balbi

André Balbi,
président du Rof
(Rassemblement des opticiens de France)

Alain Gerbel

Alain Gerbel,
président de la Fnof
(Fédération nationale des opticiens de France)

Véronique Bazillaud

Véronique Bazillaud,
déléguée générale du Synom
(Syndicat national des centres d’optique mutualistes)

Les points à retenir

  • Adaptation de la primo-délivrance: l’opticien peut désormais, dans le cadre d’une primo-délivrance, lorsqu’il détecte une différence de compensation lors de la réalisation d’un examen de vue adapter la prescription avec l’accord du prescripteur.
  • Prestation d’adaptation: la Cnam s’est engagée à obtenir des pouvoirs publics son remboursement à l’identique, qu’il y ait délivrance d’un équipement ou non, et quelle que soit la classe de l’équipement, A ou B. Le montant de cette prise en charge reste à négocier. De plus, les syndicats ont demandé le déplafonnement de son prix limite de vente en cas de délivrance d’un équipement de classe B. Une première prise en charge devrait intervenir dans les mois à venir, avant son alignement d’ici 3 ans sur celle du panier A.
  • Aide financière (390 euros/magasin, dont 300 euros pour Sesam Vitale et 90 euros pour Scor), versée à terme échu, pour pratiquer la télétransmission avec l’assurance maladie obligatoire si 70 % des feuilles de soins sont télétransmises avec des ordonnances numérisées sur la période de fonctionnement du magasin, et sous réserve de transmettre à la Sécurité sociale l’intégralité des demandes de remboursement pour l’ensemble des équipements remboursables délivrés. Tout nouveau magasin pourra prétendre à percevoir cette aide dès lors qu’il aura fonctionné plus de 6 mois dans l’année calendaire. L’aide est plafonnée à 40 magasins par région pour un même gestionnaire. C’est un alignement sur les conventions Cnam des autres professions de santé (pharmacies, etc.)
  • Interdiction des interventions en entreprises ou dans un lieu public, notamment via l’utilisation de véhicules.
  • Impossibilité des examens de réfraction en dehors du magasin de l’opticien, hormis dans le cadre d’expérimentations menées sous l’égide des pouvoirs publics. Donc pas de renouvellement d’adaptation sur internet ou à domicile.