Adoptée par l’Assemblée nationale, la proposition de loi Rist instaurant un accès direct à certains paramédicaux entérine également, via un amendement, votre droit d’adapter une primo-prescription, en cas de mise en situation d’usage insatisfaisante. Voilà qui semble ouvrir la voie à d’autres modes de collaboration avec les prescripteurs… Explications.

Assemblée Nationale

La loi confirme et « sécurise » la convention Cnam

Adoptée le 19 janvier par l’Assemblée nationale, la proposition de loi Rist – du nom de la députée du Loiret Stéphanie Rist (Renaissance), rhumatologue de profession – vise à instaurer un accès direct aux infirmières en pratique avancée, aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes. A la faveur d’un amendement déposé par le député de Seine-et-Marne Frédéric Valletoux (Horizons), le texte concerne également les opticiens puisqu’il entend confirmer par la loi ce que la convention Cnam autorise depuis le 2 juillet dernier. À savoir l’adaptation de la prescription, lors de la première délivrance d’un équipement, si la mise en situation d’usage n’est pas satisfaisante, en procédant à un examen de la réfraction et après accord écrit du prescripteur.

Jusqu’ici, la disposition prévue dans la convention Cnam n’a pas de portée légale. Et n’oblige en rien, ni les ophtalmologistes, ni les Ocam dans leur prise en charge. L’inscription dans la loi est donc une avancée. D’autant plus qu’elle est conçue, selon l’exposé sommaire de l’amendement, comme une « évolution de bon sens » pouvant améliorer l’accès aux soins visuels des patients : « Dans une situation de surcharge des cabinets d’ophtalmologie […], elle apporte une solution simple et rapide au problème soulevé par les 5%* d’ordonnances prescrivant une réfraction qui ne permet pas d’assurer une correction adaptée et un confort visuel pour le patient. »

« La capacité des opticiens à mener un examen de vue fiable, ‘’à valeur de prescription’’, avec l’accord de l’ophtalmologiste, mais sans repasser par la case rendez-vous en cabinet, est reconnue par le législateur. »

Bénéficiant du soutien du ministre de la Santé, François Braun, cette PPL Rist serait, en cas d’adoption définitive, un tournant majeur en ce qui concerne la répartition des tâches entre médecins et paramédicaux, y compris les opticiens. Elle reconnaît leurs compétences en matière d’adaptation et leur participation en tant que professionnels de santé à une fluidification du parcours de santé visuelle. Bref, la capacité des opticiens à mener un examen de vue fiable, « à valeur de prescription », avec l’accord de l’ophtalmologiste, mais sans repasser par la case rendez-vous en cabinet, est reconnue par le législateur.

Une première étape vers de nouvelles délégations de tâches ?

Les syndicats d’opticiens, qui ont soutenu cet amendement, se félicitent de cette mesure adoptée par une large majorité des députés. « Celle-ci s’inscrit en continuité avec la convention Cnam signée cet été par les opticiens avec l’Assurance maladie, visant à permettre une meilleure santé visuelle », déclare Stéphane Corfias, président du Rof (Rassemblement des opticiens de France). Le syndicat espère que cet article sera confirmé au Sénat lors de son examen en février prochain et souligne qu’il portera d’autres propositions pour améliorer à la fois l’accès aux soins visuels et les conditions d’exercice des opticiens avec de nouvelles délégations de tâches.

Une avancée en forme de « pied dans la porte »

Pour la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), cet amendement est effectivement une première étape, importante, qui instaure de nouvelles relations entre les opticiens et les ophtalmologistes. « Il valide le principe arrêté dans la convention Cnam en autorisant l’adaptation en primo-délivrance sous réserve de l’accord du prescripteur. S’il est voté définitivement, c’est un ‘’pied dans la porte’’. Les compétences des opticiens en termes d’adaptation sont reconnues et l’obligation d’une réponse de l’ophtalmologiste ouvre la voie à de nouveaux modes d’organisation de la filière visuelle. A nous, opticiens, d’utiliser les mêmes outils que les autres professionnels de santé pour définir des protocoles d’échanges et dire ce que l’on fait », déclare Alain Gerbel, président de la Fnof.

« À nous, opticiens, d’utiliser les mêmes outils que les autres professionnels de santé pour définir des protocoles d’échanges et dire ce que l’on fait »

A ce stade, cette PPL doit être examinée par le Sénat le 14 février, ce qui laisse encore la possibilité d’amendements, au risque de son rejet définitif, le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée – pas de seconde lecture à l’Assemblée nationale – sur ce texte. Et cela n’a rien d’impossible, tant l’ensemble des syndicats de médecins contestent le principe de fond de cette PPL, à savoir un élargissement des délégations de tâches vers certains paramédicaux.

*Ce chiffre, inscrit dans l’amendement, résulte des statistiques habituelles des verriers.