Après l’activation à 2 reprises par le gouvernement du 49.3 à l’Assemblée nationale pour faire passer le PLFSS 2023, le texte sera examiné à partir du 7 novembre au Sénat. Son article 31, s’il ne concerne pas directement les opticiens, les produits du panier B n’ayant, à l’heure actuelle, pas de prix fixés, devrait néanmoins s’appliquer d’ici 2025 à tous les professionnels distribuant des produits LPP. Il met surtout en lumière les spécificités de votre secteur.

Pourquoi la prudence est-elle de mise…

Le fameux article 31 prévoit la fixation par les ministres de l’Economie, de la Santé et de la Sécurité sociale des marges des distributeurs de produits LPP, la séparation entre la valeur du produit et celle de la prestation et l’encadrement dans la limite de 50% du prix fabricant HT des remises fournisseurs. Si vous n’êtes pas prioritairement ciblés par cet article, le ministère de la Santé maintient son refus d’en exclure les secteurs de l’optique et de l’audio. De fait, si le texte passe en l’état, l’arsenal législatif sera en place pour une application strictement réglementaire à votre secteur d’ici 2025. Et ce d’autant que depuis 2 ans, les prix des produits du panier B peuvent être fixés par le CEPS (Comité économique des produits de santé). Or, la combinaison de ces mesures de régulation (fixation des prix, encadrement des marges, plafonnement des remises commerciales, déclaration de prix de l’exploitant et séparation du produit et de la prestation)  est potentiellement impliquante pour l’activité de vos magasins et l’ensemble de la filière.

Une mise en danger d’une partie de la distribution

Raison pour laquelle le Gifo (Groupement des industriels et fabricants de l’optique) monte au créneau en alertant la DGE (Direction générale des entreprises rattachée au ministère de l’Économie et des Finances), des députés et des sénateurs, sur les conséquences de l’article 31 appliqué à l’optique :

  • Contrairement à leur but affiché, en l’occurrence limiter les dépenses d’assurance maladie consacrées au secteur des LPP, ces mesures généreraient des économies insignifiantes, l’Assurance maladie ne prenant plus en charge que 0,09 € par équipement optique. A l’inverse, elle entraînerait une baisse des recettes de TVA (1,4 milliards en 2021).
  • Il n’y a pas de transposition possible à l’optique de ce qui s’applique au médicament. Compte tenu des produits optiques, qui nécessitent services, matériel et formation, pour leur bonne délivrance. Compte tenu également de l’absence de prestations de dispensation, d’examen ou de suivi, valorisées dans la distribution des équipements optiques. Les pharmaciens ont une part de leur rémunération déconnectée du prix des médicaments (environ 75% selon le syndicat des pharmaciens). Ce n’est pas le cas pour les opticiens, dont la prestation d’examen de vue n’est pas valorisée (10 €) en dehors du renouvellement d’une prescription.
  • La régulation du marché par la fixation des prix, l’encadrement des marges et conditions commerciales entraîneraient, par conséquent, une fragilisation d’une bonne partie de vos magasins. Pour rappel, selon nos évaluations sur la base des Moyennes professionnelles de KPMG, le taux de résultat net moyen des opticiens s’élève à 6,43% en 2019, à 4,9% en 2020 et à 6,37% en 2021. En clair, une bonne partie d’entre vous n’ont plus de marge de manœuvre suffisante pour faire face à une telle régulation du marché.

Cumulées au 100% Santé, des mesures en forme de « double peine » pour les opticiens

Des arguments mis en avant également par le Rof (Rassemblement des opticiens de France). Pour le syndicat, l’article 31 du PLFSS remet en cause, de surcroît, le principe même du 100% Santé à maintenir un panier B à prix libres. Il ferait  de l’optique (et de l’audio) un secteur quasi-administré et mettrait en danger les opticiens, particulièrement ceux implantés dans les déserts médicaux.

L’enjeu de la prestation

De son côté, la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France) a exprimé son point de vue dans sa newsletter du 19 octobre : « ce texte a comme but de séparer le prix du produit du prix de la prestation pour plus de transparence. Comment voulez-vous les séparer quand cette prestation n’existe pas ? […] Pour fixer une marge, un prix, il faut 2 éléments : un prix limite de vente et une prestation. »  La Fnof rappelle également que la modification de l’article L165-1 avec mention de la prestation de service ou d’adaptation associée à un produit est une attente de la profession depuis des années. Dans cette logique, la Fnof a « demandé [au gouvernement] une modification du périmètre de la mesure en la limitant aux dispositifs médicaux ayant une prestation de service ou d’adaptation associée ».

Quels que soient les arguments évoqués, on voit bien que ce sont les fondements d’un certain modèle économique prévalant en optique depuis plusieurs années qui sont en jeu. Que ce soit une opportunité pour opérer une transition nécessaire ou un risque majeur pour l’ensemble de la filière, l’enjeu est de taille et vous concerne directement.