Si le recrutement d’alternants est un puissant levier d’embauche, ce dispositif nécessite de baliser leur montée en puissance dans le magasin, de leurs premiers pas à la finalisation de leur formation. Comment trouver le juste milieu entre formation sur le terrain, suivi et autonomie ? Moyennant quels avantages et quels points de vigilance ?

Bien Vu a interviewé 3 opticiens, qui vous font part de leur expérience.

Norberto Fernandes, norberto.artisan lunetier, Clermont-Ferrand (63)

« La clé, c’est d’avancer pas à pas. Mes alternants commencent par l’atelier : rhabillages de montures, ponçage des lunettes, montage, avec un accompagnement pendant 2 ou 3 semaines. Dans un second temps, s’ils sont suffisamment à l’aise d’un point de vue relationnel, et qu’ils adhèrent aux principes (proximité, personnalisation, rigueur) de notre concept, je leur permets alors d’accueillir la clientèle et de prendre en charge, sous mon contrôle, certains clients CMU ou des ‘’2e paires’’. Par contre, comme j’incarne beaucoup le magasin dans nos communications, je prends en charge les porteurs venus ‘’me rencontrer’’. Enfin, si former un alternant est enrichissant pour lui, comme pour moi et le point de vente, il faut avoir conscience que le temps passé en école (3 jours par semaine, en général le lundi, mardi et mercredi) limite sa présence (souvent le jeudi, vendredi, samedi) en magasin. Cela complique mon organisation et cela freine sa progression. Une alternance, par exemple 2 semaines en école, 3 semaines de suite en entreprise, aurait plus de sens. »

Norberto Fernandes

Norberto Fernandes,
norberto.artisan lunetier
Clermont-Ferrand (63))

Catherine Gouget-Lamarche, Debauge Opticiens, Lyon (69)

« Pour bien intégrer un alternant, il faut avoir le temps de le former, de lui laisser de l’autonomie, quitte à ce qu’il se trompe. Chez nous, ce suivi est possible grâce à nos 9 salariés (pour 2 apprentis), qui les accompagnent, pas à pas, vers chacun des aspects du métier. Lors de leur 1re année en magasin, les jeunes observent nos salariés dans leurs missions, afin qu’ils s’imprègnent de leur savoir-faire et de leurs spécialités, comme la basse vision et la contactologie. Même sur le plan du savoir-être et de la qualité relationnelle, cette phase est essentielle, en particulier pour des apprentis réservés et peu à l’aise socialement. C’est valable de la même manière pour un jeune expansif qui doit apprendre à gagner en rigueur et en modération. Enfin, l’équipe elle-même et le magasin gagnent aussi à accueillir ces talents : c’est valorisant de transmettre son savoir et de participer au dynamisme de la filière. Et c’est épanouissant, pardonnez-moi la métaphore, de participer à l’éclosion et à la floraison d’une plante. »

Catherine Gouget-Lamarche

Catherine Gouget-Lamarche,
Debauge Opticiens,
Lyon (69)

Marc Mendelson, 3 magasins Optic 2000, La Courneuve et Bobigny (93)

« Je recrute mes alternants parmi les lycéens passés dans mes magasins lors de leurs stages de seconde, de première ou de terminale de bac pro. Ils débutent dans les ‘’coulisses’’, pour apprendre le métier d’un point de vue technique mais aussi pour tester leur savoir-être. Cette période de 2 ou 3 mois les amène à traduire en magasin la théorie apprise au lycée et de se préparer à la prise en charge de la clientèle… Au bout de 6 mois, ils sont prêts à échanger avec les porteurs, même si des ajustements peuvent s’imposer. A cet âge, on ‘’s’ennuie’’ vite et cette génération a l’habitude de rester collée à son téléphone portable au moindre temps mort. Plus largement, si un recadrage s’impose, il a lieu en privé à la fois pour ne pas déstabiliser le porteur, mais aussi pour ne pas vexer mon alternant. Bien sûr, la fermeté s’impose si la personne ne prend pas en compte les retours qui lui sont faits, ou si elle manque de sincérité dans son engagement. Mais cela doit se faire avec intelligence pour que la relation n’en pâtisse pas sur la durée : 2 ans, si cela se passe mal, c’est long. »

Marc Mendelson

Marc Mendelson,
3 magasins Optic 2000,
La Courneuve et Bobigny (93)

L’optique profite de la réforme de l’apprentissage

Transmission de connaissances, maîtrise des coûts salariaux, rémunération le temps de la formation… L’embauche en apprentissage comporte des avantages pour les opticiens recruteurs, mais aussi pour les futurs BTS-OL.
En prime, depuis l’été 2020, le gouvernement octroie une aide financière aux employeurs qui embauchent dans le cadre d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Cette aide peut atteindre 8 000 € dans le cas d’un majeur : elle s’applique aux contrats conclus jusqu’au 30 juin 2022. Elle vient d’être prolongée par le nouveau gouvernement jusqu’au 31 décembre 2022, pour tous les contrats conclus entre le 1er juillet 2020 et le 30 juin 2022 jusqu’au niveau master, pour toutes les entreprises. À titre indicatif, un étudiant entre 18 et 20 ans en contrat d’apprentissage représente un coût mensuel de 749,73 € la première année et 879,93 € la deuxième année de formation (rémunération brute et cotisations patronales, sur la base du smic horaire au 1er mai 2022 de 10,85 € brut / 35h par semaine).
Ce dispositif connaît une nette montée en puissance : selon une enquête menée par Bien Vu (lire notre hors-série Formation Emploi 2022), 42% des diplômés BTS-OL ont validé leur diplôme en alternance en 2020 – 2021, contre 30% sur la période 2019 – 2020 et 16% sur 2017-2018. Soit un levier puissant de recrutement “en dur” pour vous, propriétaires et directeurs de magasin.