Une fois n’est pas coutume, c’est unie que la profession (opticiens et industriels du secteur) présente, avec le Livre blanc du CIO*, une feuille de route à destination, en premier lieu, des équipes de campagne des 2 finalistes de la présidentielle : « Il ne s’agit pas d’un document de syndicats mais d’un document de la filière », tiennent à rappeler Henri Grasset et Stéphane Corfias, les 2 co-présidents du CIO. « Il résulte d’un travail de tous, en commun, qui définit tout simplement les enjeux de l’optique pour les 10 ans à venir, en l’occurrence répondre aux besoins visuels des Français et améliorer le système de santé visuelle. »

Ce document est bienvenu : les quelque 55 000 salariés de l’optique parlent enfin d’une seule voix et entendent, ensemble, prendre toute leur place dans l’amélioration du système de santé visuelle hexagonale. Rien de bien nouveau, cependant : la participation des opticiens au dépistage, à la prévention, à la prise en charge élargie et au suivi des troubles visuels figure dans le rapport Igas publié en septembre 2020. Pour rappel, celui-ci prône, en effet, l’élargissement des possibilités d’adaptation données aux opticiens, via l’allongement de 2 ans de la durée de validité des ordonnances, l’adaptation des primo-prescriptions en cas d’inconfort. Et même la primo-prescription pour les 16-42 ans avec faible correction. On le sait, cette dernière prérogative est accordée par la loi de finances de la Sécurité sociale 2022 aux seuls orthoptistes avec un décret qui tarde à être publié et qui, selon toute vraisemblance, vide de son contenu initial l’article de loi. Même chose pour la formation : licence de santé visuelle, création d’un master de pratique avancée, passerelle entre les cursus des 3 « O »… Le rapport Igas détaille toutes ces préconisations pour rompre avec « un bric-à-brac organisationnel » dommageable pour la santé visuelle des Français.

Mais, près de 2 ans après sa publication et en dépit de leurs échanges avec le ministère de la Santé, les syndicats d’opticiens n’ont pas obtenu grand-chose. Alors, ce Livre blanc, pour quoi faire ? Un simple inventaire à la Prévert pourront dire certains… Il n’empêche : ce document est une synthèse des propositions de tous les syndicats, un consensus pour dégager les enjeux de la profession d’ici 2030, en dépit de leurs divergences sur bien des points. Une belle avancée sur laquelle la filière optique peut s’appuyer pour peser dans les décisions de la prochaine mandature.

Cela suffira-t-il à convaincre, cette fois-ci, les pouvoirs publics ? On veut le croire. Cette « union » de toute la filière optique pourra-t-elle faire sauter les « verrous » du Snof ? Depuis un an et demi, le syndicat des ophtalmologistes oppose un veto à toute évolution significative du parcours de soins visuels. Pour le moment, il n’a pas publié de réaction au document du CIO. Quelle pourrait être également la position des Ocam face à de telles évolutions, sachant que la question des déserts médicaux et celle de l’articulation des prises en charge AMO/AMC sont revenues sur le devant de la scène et ne la quitteront pas quel que soit le résultat des élections, dimanche prochain ? Ce Livre blanc est une étape indispensable dans la refonte de la filière de santé visuelle. Et, on l’espère, une base de discussions commune avec les autres parties prenantes de l’éco-système, ophtalmologistes comme Ocam, afin que chaque Français puisse bénéficier de soins et d’équipements de qualité.

*Conseil interprofessionnel de l’optique qui rassemble les syndicats de la filière : Casopi (centrales d’achat au service des opticiens indépendants), la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), le Rof (Rassemblement des opticiens de France) et le Gifo (Groupement des industriels et fabricants de l’optique). L’AOF (Association des optométristes de France) est une association et non un syndicat, la profession d’optométriste n’étant pas reconnue en tant que telle en France.