Dans quelle mesure le développement de la téléophtalmologie peut-il contribuer à la lutte contre les déserts médicaux et améliorer l’égalité d’accès aux soins partout ? Quelle participation de chaque acteur de la filière des 3 « O », et particulièrement des opticiens, dans son élargissement prochain ? A toutes ces questions, le Livre blanc 2022 de la téléophtalmologie présenté par le « think tank » Catel, incubateur de communautés e-santé, donne des pistes de réponses.

Livre blanc 2022

Dans un contexte où des initiatives non « réglementées » se multiplient, ce document, auquel ont participé opticiens, ophtalmologistes, orthoptistes, verriers et industriels de l’optique ophtalmique*, remplit 2 objectifs : clarifier les conditions dans lesquelles chaque acteur de la filière des 3 « O » pourrait participer au développement de la télémédecine. Et proposer un modèle d’organisation, tenant compte des « bonnes pratiques », des outils disponibles, de la déontologie et des évolutions légales à respecter.

Téléconsultation, téléexpertise, télésoin : qui peut faire quoi ?

Le livre blanc synthétise les différentes pratiques et leur application en santé visuelle. Ainsi si la téléconsultation simple en ophtalmologie est réservée à des situations exceptionnelles, ce n’est pas le cas de la téléconsultation assistée (consultation à distance avec la participation d’un professionnel de santé auprès du patient). Celle-ci, déjà existante dans certaines organisations avec les orthoptistes, pourrait être étendue à d’autres professionnels de santé : « D’un point de vue légal, les ophtalmologistes seraient en droit et en capacité de s’appuyer sur d’autres professionnels de santé proches des patients, tels que les infirmiers ou les opticiens, dans la limite de leurs compétences respectives », souligne le Livre blanc.

« Avec la téléophtalmologie, il existe de nombreuses interactions possibles entre médecins, patients et professionnels de santé. Qu’il s’agisse de téléconsultation assistée ou de téléexpertise, les opticiens pourraient y participer comme tout professionnel de santé »

Même chose pour la téléexpertise, autorisée entre un médecin et un professionnel de santé depuis l’avenant 9 à la convention médicale du 25 septembre 2021 et qui entrera en application en mars 2022 : « L’opticien, qui est auxiliaire médical, bénéficie à présent du droit de solliciter un ophtalmologiste dans le cadre d’une téléexpertise », affirment les auteurs du document. Attention néanmoins : cet acte n’est ni lettré, ni coté, ni remboursé à ce jour. De la même manière, l’opticien peut proposer à son patient du télésoin (conseil, orientation…).

Un meilleur accès aux soins visuels partout en France

Développer toutes ces pratiques présente de nombreux avantages. Au premier chef, celui de faciliter l’accès aux soins visuels des patients, particulièrement dans les « déserts » médicaux. C’est déjà le cas avec les cabinets secondaires qui associent téléophtalmologie et orthoptistes.

« Des opticiens, « guichet d’orientation et d’accueil » en santé visuelle via une téléconsultation assistée à distance entre patient et ophtalmologiste »

Mais le Livre blanc insiste sur l’intérêt de faire jouer un rôle de « facilitateur » aux opticiens, nombreux et présents sur tous les territoires, dans cet accès aux soins : « Ils pourraient jouer un rôle de « guichet d’orientation et d’accueil » en santé visuelle visant à faciliter l’accès à une consultation physique ou à une téléconsultation assistée avec usage d’appareils entièrement manipulés à distance par l’ophtalmologiste. » Sachant que les opticiens ont, plus que les orthoptistes, la capacité d’investir dans les équipements nécessaires. Autre atout : cela permettrait de développer des collaborations pluridisciplinaires et une montée en compétences de tous les professionnels de santé visuelle.

Aiguiller les professionnels de santé et les pouvoirs publics pour l’adoption de bonnes pratiques

Le Livre blanc suggère une liste de compétences nécessaires pour ces « assistants » en téléophtalmologie que pourraient devenir les opticiens : mesures de l’acuité et du champ visuel, formation au secret médical, aux connaissances de base sur les bonnes pratiques en télémédecine, savoir réaliser une réfraction, une photo de fond d’œil, une mesure de tension… Sur la base de ce travail, les auteurs du Livre blanc entendent proposer aux « institutionnels des modèles d’organisation adaptés à la téléophtalmologie qui tiennent compte des besoins et attentes de tous les professionnels, parties prenantes. »

* Parmi les membres du think tank téléophtalmologie, on compte, entre autres, des ophtalmologistes dont Jean-Bernard Rottier, des représentants d’associations (Rétina France et France Glaucome), d’enseignes d’opticiens (GrandVision, Krys et Optic 2000), et des industriels de la filière (Groupe Luneau Technology, Zeiss Vision Care).

Téléconsultation, téléexpertise, télésoin : ce qu’il faut savoir

  • Téléconsultation : elle a lieu entre un patient et l’ophtalmologiste. En ophtalmologie se développe surtout la téléconsultation assistée avec l’intervention d’un tiers orthoptiste. Pourrait se pratiquer avec d’autres professionnels de santé, comme les opticiens.
  • Téléexpertise : se pratique entre 2 médecins. Les 2 protocoles RNO et Muraine de 2018 ouvrent aux orthoptistes la possibilité de solliciter à distance un ophtalmologiste. L’avenant 9 à la convention médicale de 2021 étend théoriquement cette capacité à d’autres professionnels de santé dont les opticiens.
  • Télésoin : soins à distance proposés aux patients par les auxiliaires médicaux et pharmaciens depuis 2021. Pour l’opticien, cela pourrait être du conseil et de l’orientation à distance.