2022 débute comme 2021 s’était terminé, toujours sous le signe de l’épidémie avec ses restrictions sanitaires et l’incertitude qui pèse sur notre économie. Notre secteur a néanmoins pratiquement retrouvé son niveau d’avant-Covid. Alors, rien n’a changé ces derniers mois ? Bien au contraire : tout l’environnement de votre activité se modifie progressivement.

Le « verrou » du monopole de la prescription saute

Et pas seulement au sein de la filière visuelle avec l’obtention de primo-prescription aux orthoptistes, sans qu’il y ait une ordonnance préalable d’un ophtalmologiste. Ce changement, inscrit dans la Loi de financement de la Sécurité sociale 2022, concerne également la profession infirmière de pratique avancée, les kinésithérapeutes et les orthophonistes. Une avancée sur laquelle il semble peu probable que les pouvoirs publics reviennent, quels que soient les résultats des échéances électorales du printemps.

« L’accès direct des patients aux professions paramédicales reflète la pratique au quotidien du travail de collaboration et de coordination entre les médecins et les autres professionnels de santé »

Face à cela, la levée de boucliers de certains syndicats de médecins, dont le Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France) et l’ANJO (Association nationale des jeunes ophtalmologistes), n’a eu que peu d’effet. Signe d’un affaiblissement des lobbyings médicaux auprès des pouvoirs publics ? Peut-être.

« 7 médecins sur 10 sont favorables à l’accès direct des patients aux paramédicaux »

A en croire un sondage réalisé sur le site JIM.fr du 3 au 27 décembre 2021 (Journal international de médecine), ces « positions » syndicales exprimées relèvent davantage d’une simple défense corporatiste et anachronique. Surtout, elles ne reflètent pas vraiment l’état d’esprit de la majorité des professionnels de santé, médecins compris : 69% des médecins généralistes et spécialistes confondus sont favorables à l’accès direct aux paramédicaux avec une concertation nécessaire entre professionnels. Preuve que nombreux sont ceux à expérimenter au quotidien la continuité d’un travail de collaboration et de coordination.

Une pratique qui permet de répondre, au moins partiellement, aux problèmes structurels de déserts médicaux et aux inégalités d’accès à l’ordonnance, comme le souligne encore une fois le dernier rapport « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé » publié ces jours-ci par l’Igas. Il y a vraiment urgence à régler les situations d’embouteillage pour les patients afin d’obtenir des rendez-vous médicaux et à améliorer le suivi et la qualité des soins.

Les Ocam sur la sellette

Le rôle des Ocam dans la prise en charge des dépenses de santé revient sur le devant de la scène. Si le scénario évoqué de « Grande Sécu » a donné lieu à des polémiques, il a aussi eu le mérite de pointer à quel point la complexité de l’articulation Sécurité sociale/Ocam entraîne des inégalités et un glissement progressif d’une logique de mutualisation à une logique assurantielle. Pour le moment, les complémentaires vont augmenter leurs cotisations en 2022 (3,4 % en moyenne selon La Mutualité française). Et donner vraisemblablement un nouveau tour de vis sur l’optique, via les réseaux de soins et les plateformes de TP et leurs filtres tarifaires. Mais, leur position devra être évaluée désormais à l’aune de leur capacité à promouvoir une prise en charge des dépenses plus efficiente, solidaire et au bénéfice de tous.

S’adapter aux concentrations

Premiers effets de la finalisation du rachat de GrandVision par EssilorLuxottica, une accélération des concentrations dans la distribution européenne est en marche. En l’espace d’un mois se sont succédé plusieurs cessions : acquisition par Vision Group des 99 magasins de VistaSì et des 75 magasins GrandVision en Italie, rachat des 35 magasins GrandOptical en Belgique et de 142 points de vente EyeWish aux Pays-Bas par Orig Bene, une entité co-détenue par la fondation privée de Michael Pachleitner propriétaire de MPG (Michael Pachleitner Group, avec comme marques Robert La Roche, Daniel Hechter, Red Bull Spect Eyewear…) et par le fonds Raiffeisen Invest Private Equity Group.

« Face aux logiques de concentration, continuer à peser commercialement au bénéfice des magasins : c’est tout l’enjeu pour les enseignes et les centrales hexagonales »

L’impact de ces mouvements ne se fera pas sentir à court terme sur le marché français, « protégé » par la dominante des structures coopératives et indépendantes. Il n’en reste pas moins qu’enseignes comme centrales d’opticiens sont entraînées dans cette dynamique de rapprochement pour continuer à peser commercialement. C’est dans cette optique que, cette semaine, les 2 centrales d’indépendants, Luz et Optalor, ont annoncé officiellement leur « collaboration » qui leur permet de totaliser 2 100 magasins et 450 centres audio. De quoi relever les défis de la digitalisation, des services, et conserver des conditions commerciales favorables à la croissance des magasins.

 

Toute la rédaction de Bien Vu LES ENJEUX vous souhaite une excellente année 2022 !

Marie-Dominique Gasnier, rédactrice en chef

Linkedin Bien Vu