Comment améliorer l’accès de tous les Français aux soins visuels ? Quel nouveau modèle organisationnel de la filière pour fluidifier le parcours de soins ? Au-delà du débat actuel et des pistes qui pourraient être étudiées par les pouvoirs publics, la répartition démographique et géographique des 3 « O » montre que la solution passe par les opticiens et les orthoptistes dotés de compétences élargies.

Les mesures prises jusqu’à maintenant (développement du travail aidé, décrets Opticiens et Orthoptistes sur le renouvellement des équipements) ont-elles suffi à résorber les délais moyens d’attente chez les ophtalmologistes ?

C’est en tout cas ce qu’affirme le Syndicat national des ophtalmologistes de France, le Snof : en 2021, le délai médian pour obtenir un RDV est de 26 jours**, soit une baisse de -38% en 2 ans. Et ces mesures n’auraient pas encore produit tous leurs effets, selon le syndicat des ophtalmologistes.

« À moins de 8 ophtalmologistes pour 100 000 habitants, une zone est sous-dotée »

Si la situation s’améliore, d’après le Snof, en termes de délai de RV, qu’en est-il de l’évolution de la répartition des 3 « 0 » sur le territoire ?

Comme l’année dernière (La répartition des 3 « O » par département plaide pour une réorganisation de la filière), pour analyser les évolutions positives ou la stabilité de la densité des professionnels de santé visuelle, nous avons établi une carte de la démographie des 3 « 0 » dans tous les départements. Sachant que, de l’avis même du Snof, à moins de 8 ophtalmologistes pour 100 000 hab., une zone est sous-dotée.

Carte des 3 « O » par département

Passez sur les départements pour obtenir les données des 3 professions, opticiens, orthoptistes, ophtalmologistes (effectifs et densité pour 100 000 habitants) et le pourcentage des personnes de plus de 60 ans

La variation d’intensité des couleurs (du plus foncé au plus clair) correspond à une densité plus ou moins forte des professionnels pour 100 000 habitants.

Source : Répertoire ADELI- Drees, données 2021

Carte et crédit : Bien Vu

La variation d’intensité des couleurs (du plus foncé au plus clair) correspond à une densité plus ou moins forte des professionnels pour 100 000 habitants.

Source : Répertoire ADELI- Drees, données 2021

Carte et crédit : Bien Vu

La variation d’intensité des couleurs (du plus foncé au plus clair) correspond à une densité plus ou moins forte des professionnels pour 100 000 habitants.

Source : Répertoire ADELI- Drees, données 2021

Carte et crédit : Bien Vu

La variation d’intensité des couleurs (du plus foncé au plus clair) correspond au pourcentage plus ou moins élevé des personnes de plus de 60 ans.

Source : Répertoire ADELI- Drees, données 2021

Carte et crédit : Bien Vu

Démographie des 3 "O" en 2021

A noter : la situation des Drom (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte), qui ne figurent pas sur cette carte, reste contrastée. Si la Guadeloupe affiche une sous-dotation en ophtalmologistes (6,7/100 000 hab., en baisse par rapport à 2020) et orthoptistes (4,8/100 000 hab., également en recul), la Martinique, de son côté, bénéficie d’une bonne densité d’ophtalmologistes (9,6/100 000 hab., en hausse vs 2020). Guyane, Réunion et Mayotte restent largement sous-dotées dans les 3 professions, ophtalmologistes, orthoptistes mais aussi opticiens. Seule exception, une forte densité d’orthoptistes à La Réunion (10,6/100 000 hab.).

En 2021, l’accès aux ophtalmologistes s’améliore effectivement dans certains départements : 27 d’entre eux sont en densité forte d’ophtalmologistes (supérieure à la moyenne de 8,6/100 000 habitants), un chiffre en hausse depuis 2020.

A l’inverse, 60 restent en sous-démographie, dont 30 « s’enfoncent » dans le désert médical et ont vu encore leur densité d’ophtalmologistes, déjà faible en 2020, reculer. Parmi ces 60 départements, 36 ont une population de plus de 60 ans largement supérieure à la moyenne nationale (26,8%).

« La situation s’est améliorée en 2021, mais pas partout : 60 départements restent en sous-démographie d’ophtalmologistes, dont 30 ‘’s’enfoncent’’ dans le désert médical »

Les écarts entre départements restent très significatifs. Comme en 2020, les densités les plus fortes se concentrent dans les départements du Sud-Est et du Sud-Ouest, dans le Rhône, dans certains départements de la petite couronne parisienne et dans la capitale, bien sûr, avec une « surpopulation » de médecins. A noter, la situation progresse lentement dans certaines zones : Alpes-de-Haute-Provence, Calvados, Côte d’Or, Drôme, Gers, Jura, Haute-Savoie, Somme et les départements bretons.

« En 2021, plus d’orthoptistes, mais une progression encore insuffisante dans la moitié des départements »

Côté orthoptistes, on observe une nette progression. Leur densité moyenne (8,7/100 000 hab.) a augmenté en 1 an et, dans 60 départements, le nombre d’orthoptistes affiche une hausse significative. Souvent encore insuffisante, néanmoins, puisque 50 départements restent largement sous-dotés, dont 28 accueillent une population âgée importante (supérieure à 30%).

Si, selon le Snof, le délai médian de RV a donc baissé, les inégalités géographiques d’accès aux soins visuels demeurent. Pour les ophtalmologistes, elles devraient se résorber avec le développement des cabinets secondaires qui pratiqueront la téléconsultation dans les déserts médicaux. Aucune raison donc pour eux d’étendre aux orthoptistes la primo-prescription d’équipements optiques, ce que propose le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2022).

« Casus belli pour les ophtalmologistes, la primo-prescription aux orthoptistes ne suffira pas, à elle seule, pour résoudre les difficultés d’accès aux soins sur tout le territoire et pour toutes les populations »

Cette mesure, si elle est votée, constituerait même un casus belli pour les ophtalmologistes. Elle pourrait cependant fluidifier l’accès à la prescription. Mais, on le voit sur nos cartes, elle ne suffira pas à résoudre, à elle seule, les difficultés d’accès aux soins sur tout le territoire et pour toutes les populations. En effet, la variation des densités des orthoptistes continue de suivre à peu de choses près celle des ophtalmologistes. Tandis que le nombre d’opticiens et leur maillage territorial complet restent les meilleurs arguments pour une réorganisation de la filière qui les intègrent comme porte d’entrée du patient dans le parcours de soins.

* Répertoire ADELI- Drees, données au 1er janvier 2021. Le champ statistique de la Drees recouvre la France métropolitaine et DROM. Pour les ophtalmologistes, sont comptabilisés l’ensemble des actifs, y compris les médecins en cumul emploi-retraite et les remplaçants (2 catégories qui n’ont cessé d’augmenter ces dernières années).

** Enquête menée auprès d’un échantillon de 2 627 ophtalmologistes exerçant en dehors des hôpitaux soit 53% de l’effectif total en France contactés par téléphone par l’institut de sondage CSA du 6 au 16 septembre 2021 (appels mystères).