En annonçant la création de l’Association des plateformes de santé (APFS), les 5 réseaux de soins optiques (Carte Blanche Partenaires, Itelis, Kalixia, Santéclair et Sévéane) ont suscité bien des réactions parmi vous, compte tenu de leur position sur le marché. Objectif des réseaux ? Défendre leur rôle, évidemment, et peser de tout leur poids auprès de l’ensemble des acteurs de la filière de soins, professionnels de santé, pouvoirs publics, Ocam, mais aussi association de patients et presse.

« Les réseaux de soins sont en charge de négociations commerciales et contractuelles avec les opticiens. Leur association pourrait présenter le risque d’une atteinte au respect du droit de la concurrence, aux dires du Rof »

Selon le Rof (Rassemblement des opticiens de France), c’est bien cette nouvelle force née de l’union des réseaux qui se révèle préoccupante tant pour les professionnels de santé que pour les règles de droit : « Les autorités de contrôle pourraient s’inquiéter du bon respect des règles du droit de la concurrence lorsque l’APFS indique qu’elle souhaite apporter l’expérience de ses membres dans les relations avec l’offre de soins », souligne un communiqué du syndicat. En jeu, le risque d’une coordination de leurs actions et/ou réflexions alors même que les réseaux, concurrents directs sur le marché, sont en charge de négociations commerciales et contractuelles avec les opticiens et disposent déjà d’un pouvoir dont les effets sont significatifs sur le marché.

« Les réseaux de soins veulent faire entendre leur voix au sein de l’Inter-AMC comme du Comité de suivi du 100% Santé, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à maintenant »

Les réseaux de soins comptent, surtout, avec cette association participer aux travaux de l’Inter-AMC et aux échanges sur le 100% Santé. En clair, être partie prenante des négociations sur des questions toujours non résolues : transmission des seuls codes LPP regroupés pour la liquidation des garanties médicalisées, tiers-payant généralisable, suppression ou non du remboursement différencié, etc. Et ne pas rester sur la touche des discussions qui devraient déboucher sur la nouvelle organisation de la filière avec ses impacts sur les relations opticiens/Ocam. Ce qui avait été, d’une certaine manière, le cas lors des négociations sur le 100% Santé : de leur aveu même, les réseaux de soins n’ont jamais pu faire entendre leur voix ! D’où leur demande d’intégration au Comité de suivi de la réforme.

« Une association pour pallier une perte d’attractivité ? Les réseaux de soins pourraient préparer déjà leur prochain appel à candidatures »

Certains, comme Alain Gerbel, président de la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), voient justement dans ce « rapprochement » des réseaux un aveu de leur perte d’attractivité : « Ce regroupement pour défendre leurs intérêts et se distinguer de leurs actionnaires, les Ocam, est une bonne chose. C’est un réflexe de défense, le signe du passage au mode survie. » Pour rappel, si la mise en place du 100% Santé a ôté une partie du rôle de régulateur aux réseaux de soins, ils rassemblent toujours en optique entre 3 000 et 7 700 opticiens partenaires…

Risque d’une atteinte au droit de la concurrence, aveu de « faiblesse » donc ? Ce qui est certain, c’est que les réseaux entendent réagir et prendre part collectivement aux avancées récentes de la filière. Et ces dernières sont réelles. Lors du comité de suivi du 100% Santé la semaine dernière, le ministère de la Santé a annoncé la mise en place du TP intégral sur tous les équipements panier A au 1er janvier 2022. Surtout, le 2e volet de la réforme qui doit conduire à une réorganisation de la filière visuelle paraît enfin enclenché. Demain, jeudi 22 avril, débutent les discussions entre le ministère de la Santé et les syndicats d’opticiens sur les suites à donner aux préconisations du rapport Igas. Parallèlement, l’évolution de la formation et les délégations de tâches sont inscrits à l’agenda de la DGOS (Direction générale de l’offre de soins). Avec la signature de la nouvelle convention Cnam et l’ouverture de ces nouvelles discussions, se dessine progressivement ce que sera l’opticien de santé dans un avenir proche. Ce qui devrait modifier le rapport de forces entre opticiens et réseaux de soins d’ici leur prochain appel à candidatures.

Marie-Dominique Gasnier, rédactrice en chef

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