Un site Internet est désormais une brique indispensable dans la construction de votre relation client. Et si sa réalisation peut être déléguée à un prestataire, comment penser ce support digital et de quelle manière le concevoir pour mettre en valeur votre savoir-faire ?

 

Bien Vu a interrogé Gwenaëlle de Kerret, sémiologue et fondatrice de SemioTiPS, spécialisée dans l’analyse des usages consommateurs pour les secteurs du luxe et des services..

Selon vous, comment doit être pensé un site Internet d’opticien ?

Avant de répondre à cette question, il faut au préalable rappeler les missions d’un site web. La première, c’est le « bottin », avec les informations pratiques, comme le nom, l’adresse, les horaires, le trajet (quitte à utiliser Google Maps) et le système de prise de rendez-vous. Pourtant vitales, ces données ne sont pas toujours apparentes, en particulier quand il s’agit d’opticiens indépendants. La seconde, indispensable, c’est la promesse « rationnelle », qui doit présenter à l’internaute les produits et les services : collection de montures proposées, adaptation d’ordonnances, examens de vue, lentilles, produits d’entretien…

« Trouver le bon équilibre entre informatif, rationnel et émotionnel »

Le site doit présenter tout cela clairement, tout en décrivant l’expérience « émotionnelle » qui sera vécue en magasin : le parcours client – accueil, café, écoute, choix de la monture, réparation, etc. – mais aussi l’empathie de l’équipe : par exemple, si un des collaborateurs est spécialisé dans la prise en charge des enfants, des personnes âgées, des sportifs… Bref, un site adapté repose stratégiquement sur l’équilibre entre ces 3 fonctions : il doit répondre aux questionnements du client, qu’ils soient pragmatiques, « santé » ou émotionnels. Tout en étant facile d’utilisation, rapide, immédiatement compréhensible. Une profondeur de site trop importante n’est pas souhaitable pour un opticien et pour les TPE/PME.

Nous vous avons soumis une quinzaine de sites web d’opticiens. Pour certains assez sobres, pour d’autres plus « créatifs ». Quelle analyse en faites-vous ?

Globalement, les sites des opticiens indépendants se démarquent assez nettement de ceux de leurs confrères sous enseigne, dont les portails sont « normés » par le groupement ou la franchise. Cela se traduit par une identité visuelle particulière, des couleurs tranchantes, un goût pour le storytelling. Ce choix de l’émotionnel est intéressant. Mais il se fait souvent au détriment des objectifs de base, à savoir le « bottin » et le « rationnel » !

« Mettre en avant l’examen de vue, la pédagogie technique, scénariser le parcours client. En un mot miser sur le savoir-faire ! »

Par ailleurs, la capacité des opticiens à mener des examens de vue est rarement soulignée. Ce qui est paradoxal, puisque les opticiens revendiquent ce statut de professionnel de santé ! D’autres manques apparaissent : peu de pédagogie technique, absence d’une « scénarisation » du parcours client… Et bien souvent, les photos sont « posées » ou, pire, issues de banques d’images. Une approche contre-productive, à l’heure où les clients sont en attente d’incarnation, d’authenticité.

Comment mieux prendre en compte les attentes des internautes et des clients potentiels ?

Plusieurs étapes sont nécessaires. La première, avant même de lancer votre nouveau site, c’est d’observer la concurrence via un benchmark : il faut à la fois reprendre leurs codes, tout en s’en démarquant.

Ensuite, une fois que le site est lancé, faire un bilan annuel est utile, par exemple via l’outil gratuit Google Search Console. Cela permet de savoir d’où vient le trafic, via quels mots clés, s’il passe par des ordinateurs de bureau ou des smartphones… En complément, un diagnostic sémiologique peut être intéressant afin de lever certains doutes. Mon portail se visite-t-il avec plaisir ? Répond-t-il aux interrogations des internautes ? Correspond-t-il à mes valeurs, à ma vision du métier, à ma cible ?

En ce sens, il est intéressant – tous les 2 ou 3 ans – d’échanger avec des utilisateurs. Ces entretiens, menés auprès d’une dizaine de personnes, vous permettront de faire un bilan de votre présence numérique en général, y compris vos pages Facebook ou Instagram. En recoupant les réponses, vous aurez une idée précise de vos atouts numériques, mais aussi de ce qui doit être remis en question.

Gwenaëlle de Kerret

Gwenaëlle de Kerret,
sémiologue et fondatrice
de SemioTiPS