Directeur des études chez Altares, Thierry Millon suit l’évolution des défaillances et trésoreries des entreprises, notamment dans le secteur de l’optique.

Le secteur de l’optique est-il exposé à un risque particulièrement important de défaillances dû à la crise du Covid-19 ?

Cette crise risque d’entraîner des défaillances, c’est évident. Mais l’optique m’apparaît comme un secteur plutôt solide dans cette tourmente. Les difficultés sont importantes dans de nombreux secteurs et la reprise, très gourmande en cash, puisera dans des trésoreries très fragilisées. Certains domaines peineront à repartir. Cela devrait moins être le cas pour l’optique où l’essentiel des stocks n’a pas à être reconstitué et où la clientèle reste largement fidélisée. Qui plus est, les bilans sont assez solides avec une part non négligeable de résultats reversée en fonds propres et des points de souffrance de gestion – en particulier les délais de remboursement des mutuelles – qui ont été normalisés ces dernières années.

Thierry Millon,
directeur des études chez Altares,

Où se situe le principal risque de défaillances pour les entreprises du secteur ?

C’est un problème de trésorerie, comme pour toutes les entreprises actuellement ! Pendant le confinement, le risque est quasi nul car les dispositifs de soutien permettent une “mise en sommeil” assez efficace de l’activité. Les tensions apparaîtront à la reprise, avec des commandes à payer et des charges à acquitter. Il faut profiter de la période actuelle pour anticiper cette reprise.

Faut-il chercher le maximum de liquidités pour cela ?

C’est tentant et parfois indispensable mais je ne crois pas qu’il soit bon de se ruer sur les apports de liquidités au-delà des besoins du moment. Cet argent est là pour passer la crise et il faudra bien le rembourser plus tard ! En revanche, il peut être utile de faire une analyse de portefeuille affinée. Cela permet d’évaluer sa capacité à faire rentrer rapidement le cash encore dehors quand les affaires reprendront. Il est important aussi de consolider ses relations avec ses fournisseurs car des retards d’approvisionnement risquent de se produire avec l’afflux de commandes à la reprise.
Préconisez-vous le maintien d’activité pendant le confinement sanitaire ? C’est un choix difficile qui se fait au cas par cas. Contrairement à d’autres secteurs, il y a de vraies discussions sur le sujet chez les professionnels de l’optique. Cela permet de trouver des solutions parfois plus souples, comme le maintien de plages horaires dédiées, l’accueil sur rendez-vous ou la dématérialisation d’une partie des services comme le font les tribunaux de commerce.

La reprise d’activité pourra t-elle compenser en partie les pertes qui se cumulent ?

Tout est mis en place actuellement pour que chacun puisse passer cette crise au mieux – pour peu que tous les acteurs respectent les consignes communes et manifestent un esprit solidaire. La reprise d’activité apportera certainement un regain de consommation mais elle se fera aussi dans un contexte de récession où les arbitrages individuels seront plus nombreux. Les opticiens tireront leur épingle du jeu s’ils profitent de l’engouement actuel qui se manifeste pour le commerce de proximité. A eux d’affirmer leur rôle de conseiller en santé visuelle et de renforcer l’accompagnement des clients pour être pleinement au rendez-vous de cette reprise.