Lors du Silmo 2025, une table ronde a mis en lumière l’expérimentation permettant aux opticiens d’intervenir en Ehpad, lancée en 2022 dans le Centre-Val de Loire et en Normandie. Autour de Bien Vu, les participants ont évoqué ses résultats, ses limites et son devenir.

L’expérimentation permettant aux opticiens de réaliser des bilans visuels en Ehpad, conduite depuis 2022 dans les régions Centre-Val de Loire et Normandie, a été au cœur d’une table ronde organisée au Silmo 2025.
Autour de Pierre Tourtois-Laurent (Bien Vu), les échanges ont réuni Sandrine Ladoux, directrice communication santé et RSE d’Optic 2000, et Virginie Chauvel, opticienne du réseau Les Opticiens Mobiles. Clara de Bort, directrice générale de l’ARS Centre-Val de Loire, a apporté son analyse par message vidéo.

Une expérimentation aux résultats tangibles
Selon les données transmises par l’ARS Centre-Val de Loire, près de 4 000 résidents ont bénéficié d’un bilan visuel depuis le lancement du dispositif. Parmi eux, 37 % étaient mal équipés ou non équipés, et 30 % ont été rééquipés à l’issue du contrôle. Ces chiffres traduisent un besoin réel au sein des établissements et confirment l’intérêt d’une approche de proximité pour améliorer le confort visuel et l’autonomie des personnes âgées.
Des difficultés persistantes sur le terrain

Les intervenantes ont souligné plusieurs freins.

Le premier est administratif : pour intégrer le dispositif, les opticiens doivent contractualiser avec les Ehpad et obtenir validation auprès des agences régionales de santé, une procédure jugée complexe par Sandrine Ladoux. Plusieurs opticiens, intéressés par le dispositif et volontaires, ont d’ailleurs confirmé à Bien Vu que ces questions administratives ont pu freiner, voire empêcher leur intervention en Ehpad.

Le second tient à l’absence fréquente d’ordonnances valides, qui limite les possibilités de délivrance d’équipements. D’après toujours Sandrine Ladoux, près de 60 % des opticiens engagés n’ont pas pu intervenir pour cette raison.

Sandrine Ladoux

Sandrine Ladoux,
directrice communication santé
et RSE d’Optic 2000

Le rôle des équipes et des familles

L’expérimentation repose sur un fort engagement collectif au sein des établissements. Les médecins coordonnateurs, infirmiers et aides-soignants participent régulièrement aux bilans visuels, souvent en présence des familles.

Pour Virginie Chauvel, cette collaboration est essentielle à la qualité des interventions :

« Nos bilans ne sont pas des consultations médicales ; nous travaillons aux côtés des professionnels présents pour adapter l’équipement et rendre compte des résultats. »

Elle souligne toutefois les limites du dispositif :

« Au-delà d’un bilan visuel, les résidents ont aussi besoin d’un examen médical. Ce serait bien qu’ils puissent avoir accès à un fond d’œil, une prise de tension oculaire ou une observation du segment antérieur de l’œil. »

L’opticienne évoque également la dimension humaine et émotionnelle de l’exercice, rappelant la nécessité d’implication et de prudence face à la fragilité des résidents.

Virginie Chauvel

Virginie Chauvel,
opticienne du réseau
Les Opticiens Mobiles

Un dispositif accéléré à l’avenir par la téléexpertise ?

Dans son message vidéo, Clara de Bort, directrice générale de l’ARS Centre-Val de Loire, a rappelé que cette expérimentation traduit une politique d’“aller-vers” répondant aux besoins des publics isolés. Elle s’est dite favorable à son extension sur l’ensemble du territoire, prévue dans le Pacte de lutte contre les déserts médicaux, présenté par François Bayrou, alors 1er ministre, en avril 2025.

La directrice de l’ARS a également évoqué la piste de la télé-expertise pour pallier les difficultés liées au manque d’ophtalmologistes et à la rareté des ordonnances valides en Ehpad, estimant que cette solution pourrait renforcer la coopération entre professionnels de santé visuelle. Une piste qui semble, à ce jour, “dans les tuyaux”.

Clara de Bort

Clara de Bort,
directrice générale de
l’ARS Centre-Val de Loire

Quelles perspectives et pistes d’évolution ?
Dans un second temps, Sandrine Ladoux a appuyé cette orientation, considérant que la télé-expertise pourrait devenir un levier pour élargir la collaboration entre opticiens, orthoptistes et ophtalmologistes, notamment dans les zones sous-dotées. Plus largement, les acteurs présents se sont accordés sur la dimension préventive et sociale de cette initiative : en améliorant la vision des résidents, elle contribue à réduire les risques de chutes, favorise la communication et maintient une forme d’autonomie. L’évaluation nationale prévue fin 2025 déterminera la forme que prendra la généralisation de cette expérimentation, désormais considérée comme une innovation de terrain destinée à renforcer l’accès aux soins visuels dans les établissements médico-sociaux.
Ehpad