En 2025, 55 départements français souffrent d’une sous-démographie ophtalmologique. Une pénurie qui touche particulièrement les zones vieillissantes, où l’accès aux soins visuels devient de plus en plus difficile.

Selon les données du Conseil national de l’Ordre des médecins, on dénombrait au 1er janvier 2025, sur l’ensemble du territoire national, 5,96 ophtalmologistes pour 100 000 habitants, avec une moyenne quasi identique en France métropolitaine de 5,93.

Des inégalités territoriales marquées

Si 46 départements se situent au-dessus de cette moyenne nationale, 26 d’entre eux affichent une densité nettement plus élevée, c’est-à-dire supérieure à 7 ophtalmologistes pour 100 000 habitants.

Ces départements, tels que les Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Gironde, Hérault, Indre-et-Loire, Loire-Atlantique, Lozère, Meurthe-et-Moselle, Morbihan, Nord, Pyrénées-Atlantiques, Pyrénées-Orientales, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Rhône, Paris, Yvelines, Var, Vaucluse, Haute-Vienne, Territoire-de-Belfort, Hauts-de-Seine, Guadeloupe et Martinique, comportent globalement les grandes agglomérations (Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Strasbourg, Nantes, Lille, etc) et/ou sont situés le long des littoraux.

En revanche, 55 départements sont en sous-démographie ophtalmologique, dont 39 avec une densité inférieure à 5 ophtalmologistes pour 100 000 habitants. Parmi eux, 22 sont dans une situation de plus en plus préoccupante, avec moins de 4 praticiens pour 100 000 habitants. Pire encore, 9 de ces 22 départements sont en voie de désertification médicale, avec une densité inférieure à 3 ophtalmologistes pour 100 000 habitants.

3 départements – Mayotte (0), Lot (0), Creuse (0,9) et Haute-Saône (1,3) – sont même quasiment dépourvus (voire dépourvus) de spécialistes, rendant l’accès local aux soins ophtalmologiques potentiellement impossible pour les habitants.

26 départements “très vieillissants” sont en sous-démographie ophtalmologique

Autre élément notable : 26 départements en nette sous-démographie ophtalmologique (-5 ophtalmologistes pour 100 000 habitants, voir carte ci-joint) correspondent à des territoires où la population de plus de 60 ans est nettement supérieure à la moyenne nationale (>30 % contre 28 %). Il s’agit notamment des départements de l’Allier, Ardèche, Ardennes, Ariège, Aveyron, Cantal, Charente, Cher, Côtes-d’Armor, Creuse, Dordogne, Gers, Indre, Jura, Haute-Loire, Lot, Lot-et-Garonne, Haute-Marne, Mayenne, Meuse, Orne, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Sarthe, Deux-Sèvres, Vosges et Yonne. Rappelons que le vieillissement de la population dans ces zones amplifie les difficultés d’accès aux soins visuels, les personnes âgées étant les premières concernées par les pathologies ophtalmologiques (DMLA, cataracte, glaucome, etc.).

Quels remèdes à cette situation ?

Face à cette pénurie, quelles solutions envisager ? Les opticiens, dont le maillage territorial est homogène, pourraient jouer un rôle plus important dans le parcours de soins visuels. Cette évolution avait d’ailleurs été préconisée par le rapport publié par l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) en 2019, qui recommandait un élargissement des compétences des opticiens pour pallier le manque d’ophtalmologistes.

Pour l’heure, ces recommandations n’ont pas encore été traduites par des mesures concrètes. Certes, depuis mai 2023, les opticiens peuvent adapter les primo-prescriptions en cas de mise en situation d’usage insatisfaisante. Une avancée, certes, mais insuffisante pour résoudre les problèmes durables d’accès aux soins visuels qu’il faut constater dans un certain nombre de territoires en France. Cette situation contraste avec les avancées observées dans d’autres professions paramédicales, comme les pharmaciens et les infirmiers, qui ont vu leurs compétences s’élargir dans une logique de coopération accrue avec les médecins. Cela passera sans doute par une réingénierie de la formation des opticiens, vivement souhaitée par leurs syndicats.

Une régulation de l’installation des médecins n’aura pas un impact immédiat

Mais aussi sans doute par une intervention du législateur : le 2 avril 2025, l’Assemblée nationale a adopté un article controversé d’une proposition de loi visant à réguler l’installation des médecins généralistes et spécialistes sur le territoire. Ce texte, soutenu par un large éventail de députés, sera soumis à un nouveau débat et à un vote final après d’éventuelles modifications. Si cette loi est adoptée, elle passera ensuite au Sénat pour une nouvelle série de débats et de votes. Mais même en cas de promulgation de la loi, “redensifier” l’accès aux soins ophtalmologiques prendra tout de même de longues années : la question de la place des opticiens dans l’amélioration de l’accès aux soins visuels reste donc pleinement d’actualité.

« Nous allons vers une amélioration de l’accès aux soins »

Selon Vincent Dedes, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France, il y a et aura bien amélioration de l’accès aux soins visuels en France. « L’atlas démographique du Cnom sous-estime les effectifs en activité en ne comptant pas les médecins en cumul emploi-retraite (700 à 750) ni les remplaçants (300 à 350), soit plus de 1 000 ophtalmologistes non pris en compte, représentant plus de 20 % des actifs. » Poursuivant son propos, Vincent Dedes affirme que, « contrairement aux prévisions pessimistes de la Drees, la démographie des ophtalmologistes est stable depuis plusieurs années. Depuis un an, un solde positif de +48 praticiens a même été observé, une tendance appelée à se renforcer grâce à la diminution des départs en retraite (300 par an entre 2018 et 2023, 225 en 2024, puis entre 100 et 150 à partir de 2025) et à une stabilité des installations : entre 200 et 220 chaque année. » Ce qui amène le Snof à affirmer que la « profession se rajeunit nettement, comme le montre la nouvelle pyramide des âges. Nous sommes donc très optimistes quant à l’amélioration de l’accès aux soins, y compris dans les zones sous tension, grâce au développement des installations multisites. »

Vincent Dedes,
président du Syndicat national
des ophtalmologistes de France

Répartition des ophtalmologistes (données Ordre des médecins) en France, par département.
Du plus clair (très faible densité) au plus foncé (densité supérieure à la moyenne).
Carte et crédit : Bien Vu

Focus sur les départements particulièrement vieillissants (au moins 30 % de personnes de +60 ans, moyenne nationale à 28 %) et en manque d’ophtalmologistes.

< 3 ophtalmologistes / 100 000 habitants : jaune clair

< 4 ophtalmologistes / 100 000 habitants : orange clair

< 5 ophtalmologistes / 100 000 habitants : orange moyen

< -5,96 ophtalmologistes (moyenne)  / 100 000 habitants : orange foncé

Carte et crédit : Bien Vu