Si l’accès aux ophtalmologistes s’est amélioré dans certains départements ces dernières années, le fossé entre les zones sous-dotées et les territoires suffisamment pourvus s’accentue selon le répertoire ADELI- Drees* que Bien Vu a analysé. Une problématique à laquelle les opticiens entendent répondre, compte tenu de leur maillage homogène sur le territoire national.

Premier enseignement : le fossé se creuse. En France, le nombre d’ophtalmologistes est en légère baisse au 1er janvier 2023, avec 8,45 pour 100 000 habitants, contre 8,5 un an auparavant. 25 départements restent au-dessus de la moyenne française (29 l’année précédente) : les mieux lotis sont situés dans le Sud-Est, le Sud-Ouest, le Rhône, l’Alsace, ainsi que Paris et une partie de la couronne francilienne. S’y ajoutent dans une moindre mesure l’Indre-et-Loire, la Loire-Atlantique, la Martinique, le Territoire de Belfort, la Somme, l’Hérault, la Meurthe-et-Moselle, la Drôme, la Côte-d’Or, la Haute-Corse et les Hautes-Alpes. Mais plus largement, entre 2022 et 2023, le nombre de départements en sous-démographie (moins de 8 ophtalmologistes pour 100 000 habitants) est passé de 64 à 68.

Les départements “vieillissants” sont les plus touchés

Cela vire même au désert médical dans 22 départements, où on dénombre moins de 5 ophtalmologistes pour 100 000 habitants… Voire moins de 4 pour 100 000 habitants dans 12 départements, dont 10 ont une population vieillissante (plus de 30% d’habitants de plus de 60 ans). Pour le dire autrement, les ophtalmologistes manquent particulièrement dans les territoires âgés, où les besoins visuels sont par principe les plus importants ! Citons ainsi les cas des Ardennes, de l’Ariège, du Cantal, de la Creuse, du Lot, de la Lozère, de la Haute-Marne, de la Meuse et de la Haute-Saône, où les ophtalmologistes, peu nombreux, (moins de 6 par département), sont en outre bien plus âgés en moyenne que leurs confrères. D’où un risque : ces départements se retrouveront-ils sans prescripteurs ? À court terme, la question pourrait se poser dans la Creuse, où seulement 2 ophtalmologistes (et 1 orthoptiste) exercent à ce jour.

La primo-prescription aux orthoptistes, pas une solution miracle

Entrée en vigueur le 1er février 2023, la primo-prescription accordée aux orthoptistes (pour les porteurs âgés de 16 à 42 ans) ne résoudra pas partout les difficultés d’accès aux soins visuels. En effet, malgré une densité en hausse de 8,9/100 000 habitants (8,4 un an auparavant), les orthoptistes restent inégalement répartis sur le territoire. Et, là encore, ce sont les départements vieillissants (où la proportion de population de plus 60 ans est supérieure à la moyenne nationale) qui sont les plus mal dotés. Même si des exceptions apparaissent : ainsi, le Tarn, légèrement sous-doté en ophtalmologistes, comporte plus d’orthoptistes que la moyenne nationale, tout comme l’Allier, l’Aude, l’Aveyron, le Gard, l’Ile-et-Vilaine, l’Isère, le Puy-de-Dôme, la Savoie et La Réunion. Cependant, la plupart de ces départements ne sont pas des déserts médicaux profonds. En clair : les installations d’orthoptistes ne compensent pas la pénurie d’ophtalmologistes dans les territoires où ils manquent particulièrement.

Approfondir la coopération entre les 3 “O”

Face à ce constat, qui se confirme d’année en année, que faire ? Les opticiens, par leur maillage homogène sur le territoire national, pourraient jouer un rôle plus conséquent au sein du parcours de soins visuels, comme le recommandait d’ailleurs le rapport de l’Igas de 2019. Mais ce rapport, pour le moment, n’a pas abouti à un élargissement de vos prérogatives, même si vous avez depuis mai 2023 la possibilité d’adapter les primo-prescriptions en cas de mise en situation d’usage insatisfaisante. Une avancée, certes, mais rien qui ne saurait résoudre les difficultés d’accès aux soins visuels… Et ce malgré une volonté présidentielle d’aller plus loin dans cette logique de coopération entre professionnels de santé, qui prévaut désormais pour les autres paramédicaux (pharmaciens, infirmières, etc.).

Carte des 3 « O » par département
Passez sur les départements pour obtenir les données des 3 professions, opticiens, orthoptistes, ophtalmologistes (effectifs et densité pour 100 000 habitants) et le pourcentage des personnes de plus de 60 ans.
La variation d’intensité des couleurs (du plus foncé au plus clair) correspond à une densité plus ou moins forte des professionnels pour 100 000 habitants.

Source : Répertoire ADELI- Drees, données 2023

Carte et crédit : Bien Vu

La variation d’intensité des couleurs (du plus foncé au plus clair) correspond à une densité plus ou moins forte des professionnels pour 100 000 habitants.

Source : Répertoire ADELI- Drees, données 2023

Carte et crédit : Bien Vu

La variation d’intensité des couleurs (du plus foncé au plus clair) correspond à une densité plus ou moins forte des professionnels pour 100 000 habitants.

Source : Répertoire ADELI- Drees, données 2023

Carte et crédit : Bien Vu

La variation d’intensité des couleurs (du plus foncé au plus clair) correspond au pourcentage plus ou moins élevé des personnes de plus de 60 ans.

Source : Répertoire ADELI- Drees, données 2023

Carte et crédit : Bien Vu

La téléconsultation ne résout pas le manque de prescripteurs

Dans l’attente, quelques enseignes d’opticiens et magasins indépendants ont lancé ces 2 dernières années des solutions de téléconsultation en magasin, au grand dam du Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France), qui dénonce une “marchandisation” de la santé visuelle. Mais là encore, ce recours à la téléconsultation ne résout pas pour le moment le manque de prescripteurs. En effet, comme l’ont montré plusieurs études, ces solutions attirent surtout, pour le moment, une clientèle jeune et urbaine. Même si certains d’entre vous ont franchi le pas dans des territoires ruraux durement touchés par le manque d’ophtalmologistes et d’orthoptistes.

À noter : la situation des Drom (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte), qui ne figurent pas sur cette carte, est contrastée. Si la Guadeloupe affiche une légère sous-dotation en ophtalmologistes (8,2/100 000 habitants) et en orthoptistes (6,4/100 000 habitants), la Martinique, de son côté, bénéficie d’une bonne densité d’ophtalmologistes (9,2/100 000 habitants). Cependant, Guyane, La Réunion et Mayotte restent largement sous-dotées dans les 3 professions, ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens. Seule exception, une forte densité d’orthoptistes à La Réunion, en hausse vs 2022 (13,3/100 000 habitants).

* Toutes les données que nous utilisons pour nos cartes sont issues du répertoire ADELI- Drees, données au 1er janvier 2023. Le champ statistique de la Drees recouvre la France métropolitaine et DROM. Certains opticiens et orthoptistes inscrits au répertoire Adeli ne déclarent pas leur cessation d’activité, ce qui peut conduire à surestimer le nombre de professionnels en exercice. Pour éviter ce biais, nous ne considérons que les effectifs de moins de 62 ans. Pour les ophtalmologistes, sont comptabilisés tous les actifs, y compris les médecins en cumul emploi-retraite et les remplaçants (2 catégories qui n’ont cessé d’augmenter ces dernières années).