L’IA suscite autant d’espoirs (augmentation des performances et de la productivité) que de fantasmes et de craintes (en particulier celles d’un « grand remplacement » des salariés). En optique, elle est déjà bien présente chez vos fournisseurs, verriers au premier chef. Mais vous êtes plutôt rares à l’utiliser dans votre métier au quotidien. Que peut-elle vous apporter dans votre exercice du métier, quel parti pouvez-vous en tirer concrètement pour travailler mieux ?

Bien Vu a interviewé Jacques Lemeunier, opticien propriétaire de 3 points de vente dans l’Hérault, qui propose à ses clients de choisir leur monture parmi une dizaine de modèles sélectionnés grâce à l’IA.

Vous avez créé le logiciel Eyematch que vous utilisez dans vos magasins pour le choix des montures. Comment ça marche ?

En 6 secondes, notre cabine scanne le visage du porteur, prend ses mesures et crée son avatar avec ses dimensions exactes. L’idée, c’est d’objectiver et d’automatiser ces données, même si nos opticiens continuent d’entrer certains paramètres comme la forme du visage (carré, rond, triangulaire, etc.) et la colorimétrie.

Au passage, Eyematch s’intéresse également à l’émotion que le porteur souhaite dégager avec sa monture : veut-il émettre une énergie positive ? Dynamique ? Avenante ? Ludique ? Vintage ? À partir du moment où ces données sont “entrées”, notre logiciel délivre une sélection de 10-20 montures correspondant aux critères de notre client. Il n’a plus, alors, qu’à faire son choix en fonction de son coup de cœur et/ou de son budget.

En matière de parcours client, qu’est-ce que cela change dans vos magasins ?

Cela a des conséquences matérielles, déjà : pas de tables de vente dans nos magasins, le client passant de salle en salle accompagné par l’opticien… Et, grâce à l’automatisation, pas besoin d’1h30 pour un rendez-vous efficace : tout le monde n’a pas envie de prendre autant de temps pour choisir une paire de lunettes !

Notre méthode, parce qu’elle « objective » le choix de la monture, rassure le client : le porteur a le sentiment d’être “analysé” en profondeur par Eyematch, ce qui l’amène à faire confiance à la sélection finale.

Enfin, avec notre méthode, c’est le logiciel qui vend la monture, pas nous ! Evidemment, cela a un impact sur le rôle de nos opticiens : ils se concentrent sur la relation humaine avec le porteur et s’intéressent en profondeur à son mode de vie… Mais aussi à ses besoins visuels. Chez nous, le contrôle de la vue est systématique. Eyematch a donc un impact indirect, mais positif, sur la prise en charge de nos clients et la qualité de notre suivi.

Et sur votre choix de produits ?

Incontestablement. Par exemple, le best-seller d’une marque peut être le modèle le moins bien vendu chez nous. Une particularité qui a pu « tendre » nos relations avec certains fournisseurs, mais la grande majorité ont compris notre méthode et ses avantages vis-à-vis des porteurs. Autre conséquence : nous avons plus de « liberté » vis-à-vis des marques car nous pouvons toujours trouver un modèle équivalent correspondant aux critères objectivés, comme la forme, la taille ou la couleur.

Enfin, comme Eyematch définit un certain nombre de profils “types”, cela nous permet de définir, avec précision, nos besoins de produits : notre stock est donc stable, homogène, en quantité comme en valeur. Cela limite donc nos fluctuations de trésorerie.

Jacques Lemeunier

Jacques Lemeunier,
opticien propriétaire de 3 points de vente
dans l’Hérault (La Maison de la vision)