Pour quelles raisons les pouvoirs publics ont-ils décidé d’un accompagnement financier pour les opticiens qui réalisent plus de 65% de leurs ventes en panier A complet ? Simple mesure d’affichage, reconnaissance d’un échec de la réforme 100% Santé dans les 3 secteurs concernés ? Ou étape vers un déremboursement du panier B ?

Bien Vu a interrogé Frédéric Bizard, économiste, professeur affilié à ESCP Europe et président de l’Institut Santé.

Publié au Journal officiel fin juillet, l’avis sur « l’accompagnement financier » des opticiens très bons élèves du 100% Santé ne concerne in fine que très peu de professionnels (maximum 3%). Dès lors quelles peuvent être les raisons d’une telle mesure de la part des pouvoirs publics, selon vous ?

Une raison d’affichage politique essentiellement. D’un point de vue sanitaire comme économique, la réforme 100% Santé n’a aucun intérêt en optique : compte tenu de la couverture assurantielle existante, elle n’a pas de sens. C’est d’ailleurs ce qui explique que le panier A ne fonctionne pas et plafonne en deçà des 15-20 %. Pour le gouvernement, il s’agit donc de « sauver le soldat RAC 0 » qui constitue la mesure phare du 1er quinquennat Macron dans toute sa dimension démagogique. Et ce d’autant que le 100% Santé, dans les 2 autres secteurs audio et dentaire, a généré des dépenses et des « escroqueries » financières et sanitaires. Or, il y a beaucoup d’économies à réaliser sur ces 3 secteurs, optique, audio et dentaire.

« Le panier A ne fonctionne pas en optique ou si peu. Cette subvention pour ceux qui font plus de 65% de panier A n’est donc qu’un pur affichage politique »

Qu’entendez-vous par là ?

Bercy est à la recherche de chaque euro et étudie tous les leviers pour faire des économies et maintenir une augmentation des dépenses de santé tout juste supérieure à 3% pour 2024. Dès le mois d’octobre, la prise en charge des soins dentaires par l’Assurance maladie passe de 70% à 60%, la différence étant transféré aux Ocam. Pour les médicaments, on envisage une hausse des franchises. Dans le même temps, subventionner le panier A en optique avec cet accompagnement financier, même si cela ne concerne qu’une infime minorité d’opticiens, démontre un incroyable laxisme budgétaire ! En un mot, c’est absurde.

« Alors que Bercy est à la recherche de chaque euro, cette mesure démontre l’incroyable laxisme des pouvoirs publics en matière de gestion budgétaire »

Y voyez-vous un pas vers un « déremboursement » du panier B et une rupture à prévoir avec le système de double financeur assurantiel ?

Pas du tout. Je suis convaincu que le déremboursement en optique, qui a été débattu par le passé, ne figure pas dans l’agenda des pouvoirs publics. Encore une fois, de mon point de vue, cette mesure de « subvention » au panier A se limite à un effet d’annonce politique.

« Le déremboursement en optique n’est pas dans l’agenda des pouvoirs publics. Ni aucune autre réforme structurelle, pourtant nécessaire »

Le PLFSS 2024 qui se prépare ne débouchera pas sur des réformes structurelles, celles nécessaires pour dégager à la fois une meilleure efficience du système de santé et des économies. Il ne comprendra que des mesures comptables. Pourtant, je pense, et je l’ai souvent défendu, qu’il serait bon pour l’optique de sortir du système de « double assurantiel » caractérisé par une prise en charge par l’Assurance maladie et les Ocam. Et de clarifier les zones d’intervention de l’une et des autres. Très franchement, les 9 centimes remboursés sur les équipements panier B ne servent à rien.

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard, économiste, professeur affilié à ESCP Europe et président de l’Institut Santé.