La « téléconsultation » (terme générique utilisé trop souvent abusivement puisqu’il recouvre des réalités différentes, lire encadré ci-contre) est un vrai sujet de débat tant au sein de la filière dans son ensemble que parmi les opticiens. Les technologies sont là et alimentent des initiatives qui, toutes, cherchent à avancer des solutions susceptibles de pallier les difficultés d’accès aux soins ophtalmologiques que rencontrent bon nombre de patients. Car le problème persiste : en dépit d’une amélioration notable dans certains territoires depuis 3 ans, 64 départements restent en sous-démographie ophtalmologique. Par leur maillage géographique et leur démographie, les opticiens font partie de la solution avec, pourquoi pas, une ouverture de la téléexpertise à la profession.

Sans aucun doute, les pouvoirs publics misent, en partie, sur la télémédecine pour lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins visuels dans ces zones. Et elles vont définir, à terme, les règles de sa mise en place et son périmètre légal. Dans l’attente, chacun avance ses pions, pour faire « bouger les lignes : on a vu ainsi se développer, depuis 1 an, les cabines Tessan dans les points de vente ou les espaces de téléconsultation dans les magasins Alain Afflelou. Plus récemment, c’est la société Lyleoo qui propose des logiciels aux opticiens et, depuis quelques jours, en marge de toute légalité, aux opticiens en mobilité du réseau L’Opticien qui bouge. Au grand dam de Road, le Regroupement des opticiens à domicile, qui y voit « avant tout une initiative mercantile et individualiste », desservant la profession dans son ensemble.

Faire « bouger » les lignes, c’est bien. A condition de ne pas aller à l’encontre même du résultat escompté. En l’occurrence, la mise en place pérenne et efficiente d’un système de téléexpertise qui inclut tous les professionnels de santé, opticiens compris, et garantit à tous les patients, même les plus fragiles, un accès rapide aux soins visuels. Mais, pour le moment, rappelons que, si, sur le papier, la téléexpertise pourrait être ouverte aux opticiens (selon l’avenant 9 de la convention médicale de 2021), rien n’a été mis en place, à l’heure actuelle, pour une application concrète de cette mesure. En clair, l’opticien, à date, n’a pas le droit d’intégrer un protocole de télémédecine.

En attendant, l’ensemble des syndicats et associations d’opticiens travaillent à faire «  sauter » les verrous et à revaloriser la place des opticiens dans la prise en charge des patients. Pas forcément avec les mêmes objectifs. Mais en tout cas avec la même volonté de faire évoluer le métier vers plus de compétences et de prérogatives. Cela ne peut se faire que de manière collective et en concertation avec les pouvoirs publics et les autres acteurs de la filière visuelle. Le syndicat des ophtalmologistes (Snof) s’attache régulièrement à pointer du doigt les initiatives de « téléconsultation » chez les opticiens et en local commercial, en mettant sur le même plan les solutions qui s’apparentent plus à des « guichets à ordonnance » et les véritables tentatives de remédier localement aux difficultés d’accès aux soins. On le voit : multiplier, de manière désordonnée, les initiatives de téléexpertise chez les opticiens, en marge de toute légalité, risque d’aboutir à l’inverse de l’effet escompté en dressant un obstacle supplémentaire dans la nécessaire évolution du métier.

Téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance : ce que vous devez savoir

  • Téléconsultation : elle a lieu entre un patient et l’ophtalmologiste. Eventuellement, le patient peut être accompagné par un professionnel de santé. En ophtalmologie se développe surtout la téléconsultation assistée avec l’intervention d’un tiers orthoptiste. En théorie, elle pourrait se pratiquer à l’avenir avec d’autres professionnels de santé, comme les opticiens.
  • Téléexpertise : elle se pratique entre plusieurs médecins. Les 2 protocoles RNO et Muraine de 2018 ouvrent aux orthoptistes la possibilité de solliciter à distance un ophtalmologiste. L’avenant 9 à la convention médicale de 2021 étend « théoriquement » cette capacité à d’autres professionnels de santé dont les opticiens. Mais cette ouverture reste « sur le papier »  seulement pour le moment. Il faut encore attendre pour sa mise en œuvre concrète. Le recours à la téléexpertise pour une profession paramédicale nécessite un accord entre les organes représentatifs de cette profession et la Cnam. Or ce n’est pas le cas actuellement.
  • La télésurveillance médicale où un médecin interprète à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et prend des décisions sur sa prise en charge. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient ou un professionnel de santé.