6 points-clés du projet de la Fnof pour une réorganisation de la filière visuelle

Effet « ciseaux »

L’équation actuelle est simple : d’un côté, les charges fixes (loyer, énergie, etc.) et les prix d’achat augmentent. Hausses auxquelles s’ajoute l’augmentation inéluctable des salaires, compte tenu de l’inflation et du déséquilibre entre offre et demande sur le marché de l’emploi en optique. De l’autre, les remboursements des Ocam et les grilles tarifaires des réseaux de soins, comme en témoigne l’appel à candidatures de Kalixia en cours, baissent. Même chose pour les prix limites de vente des équipements panier A, non revalorisés en dépit de l’inflation.

Pour le moment, les inquiétudes des consommateurs sur leur pouvoir d’achat ont peu d’incidences sur l’activité en magasin. Un sursis néanmoins, puisque, en dépit du « tassement » progressif de la hausse des prix en 2023-2024, nous sommes entrés dans une nouvelle économie caractérisée par des coûts élevés. Cette conjonction des 2 mouvements, hausse d’un côté et baisse de l’autre, s’appelle en économie « l’effet ciseaux ». « Economiquement, nous arrivons au point mort. Le modèle économique dominant des opticiens se révèle fragilisé », analyse Hugues Verdier-Davioud, président de la Fnof. Au vu de cette situation, selon le syndicat, l’opticien ne peut plus vivre de la seule délivrance des équipements et doit s’orienter vers de nouveaux modes de rémunération.

Valorisation de la prestation

La Fédération promeut de longue date la séparation de la prestation et du prix du produit, afin que l’opticien soit plus autonome sur ses modes de rémunération. Pour se « donner de l’oxygène », l’opticien a toute légitimité à facturer un certain nombre de services :

• Réfraction, manipulation en contactologie, bilan basse vision
• Suivi des porteurs (enfants porteurs de verres de contrôle myopique, personnes âgées en Ehpad…)
• Prévention et information (en milieu scolaire, en entreprise, etc.)
• Prise en charge hors magasin (Ehpad, hôpital, foyers, prisons, etc.)
• Entretien des équipements et réparation.

Blockchain

Cette idée n’est pas nouvelle. Un projet de « blockchain » commun aux opticiens, verriers, Ocam, a déjà été présenté en septembre dernier, mais n’a pas vu le jour, faute de consensus entre les différents acteurs (Fnof, Gifo, Rof). L’objectif de la solution proposée par la Fnof lors de son dernier congrès est simple : doter la filière optique d’une solution sécurisée permettant aux Ocam un contrôle systématique de la conformité des prises en charge (lutte contre la fraude), tout en garantissant le respect du secret médical et du RGPD (aucun transfert de données personnelles ou de santé).

« C’est dans l’intérêt de toute la filière », précise Hugues Verdier-Davioud. « Nous avons élaboré avec une société spécialisée dans les blockchains GoodsID (protocole IOTA) une solution ouverte, à la fois efficace, neutre et performante. Nous allons la présenter à toutes les parties prenantes, y compris les associations de patients et le ministère de la Santé. En espérant qu’ils nous suivront… ». Une solution qui devrait participer également, en garantissant la transparence au sein de la filière, d’une « autonomisation » de l’opticien vis-à-vis des Ocam et des réseaux de soins.

Opticien de santé

Pour la Fnof, ce n’est pas un vain mot. La reconnaissance et la valorisation des prestations de l’opticien, dont l’examen de vue, impliquent de reconsidérer l’organisation de la filière : moins pyramidale, davantage horizontale avec un opticien plus autonome par rapport à l’ophtalmologiste. « Dans la situation actuelle, nous n’avons pas d’autre choix que de faire sauter le plafond de verre créé par la limitation du nombre de prescriptions et de créer des brèches », souligne Hugues Verdier-Davioud. « Avec comme objectifs fondamentaux l’intérêt des patients et la santé visuelle des Français. » Une nouvelle organisation fondée sur des échanges normés et sécurisés entre les 3 « O » et où l’opticien pourrait prendre une place centrale dans l’information santé, la prévention et le suivi, etc.

Télésanté

Depuis plusieurs mois, les initiatives de téléconsultation en magasin se multiplient. Est-ce une solution susceptible d’améliorer l’accès aux soins visuels, particulièrement dans les zones sous-dotées en ophtalmologistes ? Pour Hugues Verdier-Davioud, « la télésanté peut être envisagée. Mais pas à n’importe quelle condition et pas dans une approche purement commerciale. On pourrait envisager, en revanche, une téléexpertise (avis donné à distance par un médecin à un professionnel de santé qui le sollicite) entre ophtalmologistes et opticiens. ».

Attractivité du métier

Le métier attire de moins en moins les lycéens, les étudiants et même les salariés que les magasins ont de plus en plus de mal à conserver. Retrouver de l’attractivité pour le métier implique de lui  redonner de la valeur. Sur le plan financier (revalorisation de la grille salariale toujours en attente, mise en place d’une nouvelle classification pour mieux prendre en compte les diplômes), en formant mieux (c’est tout le sens de la refonte de la formation d’opticien), en répondant aux attentes des salariés opticiens d’une organisation du temps de travail plus harmonieuse et plus flexible.

« Tous ces points visent à « libéraliser » l’accès aux soins avec une réorganisation des équilibres au sein de la filière visuelle dans l’intérêt des opticiens comme des patients », a conclu Hugues Verdier-Davioud lors du congrès de la Fnof.