La population de propriétaires de magasins, dans l’optique comme dans de nombreux secteurs, vieillit. Au point de poser à l’heure actuelle un vrai problème dans la transmission des entreprises. Comment inventer de nouveaux formats de transmission « douce ?

Bien Vu a interrogé Sylvain Bartolomeu, dirigeant associé du cabinet Franchise Management, qui accompagne les acteurs du retail, optique entre autres, dans leur développement.

Seuls 16 % des opticien(ne)s de moins de 40 ans tentent l’aventure de l’installation, un pourcentage en nette diminution depuis 10 ans. Que vous inspire ce « vieillissement » des propriétaires de magasin d’optique ?

Ce phénomène n’est pas propre à l’optique, on l’observe dans tous les secteurs à maturité et qui exigent un « ticket d’entrée » important, financier et personnel, pour devenir « propriétaire » de son activité. C’est le cas chez les médecins. Les jeunes praticiens ne souhaitent pas s’installer aux conditions actuelles et travailler de la même manière. Ils cherchent des projets différents, moins coûteux, avec un exercice moins solitaire. Cela se traduit par un recours accru à des associations au sein d’un même cabinet, avec une organisation du temps de travail plus souple, un investissement en temps, en énergie et financier moins lourd.

« Dans tous les secteurs qui exigent un « ticket d’entrée » important, financier et personnel, pour devenir propriétaire, on observe une réticence des plus jeunes à s’installer aux conditions actuelles »

Même constat en pharmacie et en optique. La transmission des entreprises est à l’heure actuelle un vrai problème. Ce qui devrait inciter les enseignes à réfléchir à de nouveaux formats et à anticiper la « pénurie » de repreneurs potentiels en mettant en place des mécanismes de transition « douce ».

Quels peuvent être ces mécanismes ?

La transmission est un sujet hautement émotionnel pour un propriétaire. L’enseigne a tout à gagner en l’accompagnant dans ce parcours pour « déminer l’émotion ». Cela passe par des formations, des conseils, une animation qui est souvent négligée. Le prix d’un point de vente est établi par le marché, mais cela ne suffit pas. Il faut organiser les modalités de la cession, rationaliser en fonction des potentiels, évaluer l’intensité concurrentielle au moment de la transaction mais aussi dans le futur proche.

En un mot rassurer le vendeur comme l’acheteur. Inventer aussi des nouveaux formats : une transition douce en « association », des systèmes de location-gérance, etc. C’est tout le travail que doivent mener les enseignes pour garantir leur parc de magasins tout en gérant la pyramide des âges qui, dans tous les secteurs, se caractérise par un vieillissement des propriétaires et une relève insuffisante.

Quelles sont les conséquences probables de ce « problème » de transmission des magasins, selon vous ?

A horizon 5 ans, le phénomène de concentration va s’accélérer, d’autant que l’optique est un marché avec encore beaucoup d’acteurs. La concentration s’opérera au sein des opticiens avec davantage de multipropriétaires, mouvement qu’on repère déjà.

« L’optique a su résister à l’arrivée du e-commerce. Saura-t-elle le faire en cas de nouvel acteur ? »

Mais pour une enseigne, il convient de bien gérer cette croissance des multipropriétaires, en conservant un parc harmonieux et équilibré. Sous peine d’être fragilisée en cas de départ de l’adhérent, franchisé ou associé. Pour le moment, la distribution optique en France a su se maintenir autour d’un modèle stable. Mais cette stabilité est aussi un danger. Particulièrement en cas d’intervention d’un acteur extérieur. L’optique a su « résister » à l’arrivée du e-commerce. Saura-t-elle le faire en cas de nouvel acteur ? Sûrement, mais elle devra se remettre en question et s’adapter. C’est ce qui s’est passé par exemple dans l’immobilier avec la création des agences Stéphane Plaza : une nouvelle marque s’est installée, a dépoussiéré et modernisé le secteur, ce qui a attiré nombre d’agences et provoqué des changements considérables chez tous les intervenants.

Très clairement au sein du commerce, y compris en optique, ce sont les concepts forts, s’inscrivant dans une double logique d’innovation et de RSE, qui vont attirer à la fois les clients et les jeunes entrepreneurs dans les années à venir. Pour convaincre les jeunes opticiens à prendre la relève, les enseignes doivent proposer des modèles innovants et plus collaboratifs ! »

Sylvain Bartolomeu

Sylvain Bartolomeu,
dirigeant associé du cabinet Franchise Management