Avec une baisse moyenne de -9,4% en 2020, l’activité des magasins d’optique des centres commerciaux a pâti de la chute brutale de leur fréquentation et d’un très lent « retour » à la normale. Avec comme conséquence un écart « durable » entre activité et coût d’exploitation. Au point de modifier la donne entre bailleurs et points de vente ?

Bien Vu a interrogé Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos* (Fédération pour la promotion du commerce spécialisé).

Quel bilan tirez-vous de l’année 2020 pour les commerces situés dans les centres commerciaux ?

Les grands centres commerciaux périphériques des grandes villes ont connu une chute brutale de leur fréquentation, bien plus que leurs équivalents plus modestes. Cela a impacté le chiffre d’affaires des points de vente et l’optique n’y échappe pas : en 2020, les magasins d’optique ont connu, dans ces « malls », une baisse de leur activité de -9,4%. Et avec la généralisation du télétravail, le retour progressif à la normale prend plus de temps dans les centres-villes et dans les centres commerciaux proches des métropoles. On peut même se demander si le monde d’après sera « comme avant » dans ces dernières tant le télétravail, même partiel, a pu séduire une part de la population.

Dès le premier confinement, la problématique du paiement des loyers a provoqué des tensions entre bailleurs et locataires.

Dans le cas de l’optique, commerce « essentiel », les bailleurs ont globalement estimé que la fermeture des points de vente était un choix personnel de l’opticien… Y compris dans le cas de magasins situés dans les centres commerciaux ! Et comme l’Etat, malgré une tentative de médiation, n’a pas régulé immédiatement, un rapport de force s’est installé… Avant que la reprise post-confinement fluidifie la relation grâce au versement, même partiel, des loyers impayés. Lors du second confinement, les aides de l’Etat et la mise en place du crédit d’impôt bailleurs loyer** ont permis à certains locataires de suspendre les versements, ou de les reporter. Mais un 3e confinement (ndlr, interview réalisée début janvier) compliquerait encore la donne alors que les acteurs sortent usés de 2020.

Le lent retour à la normale dans les centres commerciaux va-t-il modifier la donne ?

Avec l’écrasement des CA et leur lent rétablissement, l’écart entre activité et coût d’exploitation sera durable. Et si certains bailleurs ont renoncé à certains loyers, cette « tolérance » ne durera pas quand l’Etat mettra fin à ses dispositifs d’aide. Quelle sera alors la stratégie des bailleurs ? Accompagner les points de vente, négocier ou dénoncer les baux ? Les indépendants pourraient être plus souples que les grands groupes, souvent liés au monde de l’épargne et de la finance, qui pourraient être tentés de faire le vide pour redynamiser les galeries. Mais ce serait un pari risqué, tant ce « vide » entraîne une baisse de la fréquentation et donc des chiffres d’affaires ! Les différentes parties ont donc intérêt à s’entendre pour une reprise « équilibrée »… Sans pression excessive sur les preneurs. D’autant que l’on ignore encore si l’attrait pour les commerces de proximité ou à taille humaine sera durable ou conjoncturel.

*Fédération qui rassemble près de 300 enseignes, toutes activités, tous formats de magasins et types de développement, plus de 60 000 points de vente.

**Dans le cadre de la Loi de finance 2021, un crédit d’impôt a été voté pour inciter les bailleurs à abandonner ou renoncer aux loyers dus par leurs entreprises locataires administrativement fermées ou particulièrement affectées par les restrictions sanitaires mises en œuvre.

Emmanuel Le Roch

Emmanuel Le Roch,
délégué général de Procos