L’amélioration de l’accès aux soins visuels passe par la restructuration des parcours de soins entre les 3 « O », ophtalmologiste, orthoptiste, opticien. Et tout l’enjeu des prochains mois repose sur la maîtrise des flux de clients au sein d’une meilleure organisation de la filière visuelle. Les réseaux de soins l’ont bien compris. Et avancent leurs pions en s’appuyant sur les possibilités offertes par les nouvelles technologies en télé-médecine.

Fluidifier le parcours de soins visuels et améliorer enfin l’accès aux soins visuels : tel est le souhait de l’ensemble des acteurs de la filière et des pouvoirs publics. Dans le foisonnement des pistes qui s’ouvrent, en particulier après la publication du dernier rapport Igas (Inspection générale des affaires sociales) qui promeut à la fois de nouvelles compétences pour les opticiens et l’élargissement de la télé-expertise aux orthoptistes et/ou opticiens, les réseaux de soins entendent prendre leur place. En assumant leur rôle d’accompagnement en amont et en aval de tout le parcours santé de leurs bénéficiaires.

Un fléchage du patient/client entre les 3 « O »

Accompagner ses bénéficiaires dans l’intégralité de leur parcours de soins, c’est bien l’objectif des services que développe depuis quelque temps Carte Blanche Partenaires. Son dernier projet, baptisé Opht&Go et développé en partenariat avec le Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France), intègre la brique de la télé-médecine. Tout en demeurant dans un parcours structuré autour des compétences actuelles des 3 « O », ophtalmologistes, orthoptistes, opticiens. En amont du dispositif, le réseau de soins propose à ses assurés un outil de fléchage via les sites de ses complémentaires santé adhérentes. En fonction d’un questionnaire rempli par l’assuré (âge, domiciliation, prescription, validité de l’ordonnance), il oriente et prend rendez-vous soit avec un opticien partenaire soit avec un cabinet secondaire d’ophtalmologie. Dans ce dernier, l’examen est pratiqué par un orthoptiste et télétransmis à un ophtalmologiste qui retourne une prescription de lunettes ou, en cas de pathologie ou d’examens complémentaires nécessaires, donne un rendez-vous au patient.

« Carte Blanche Partenaires va lancer en partenariat avec le Snof un outil d’orientation des patients/clients auprès des 3 « O », baptisé Opht&Go »

« Le Snof s’est chargé de répertorier les ophtalmologistes volontaires qui disposent d’un cabinet secondaire avec un orthoptiste. De notre côté, nous identifions les opticiens partenaires en capacité d’assurer la réfraction », explique Jean-François Tripodi, directeur général de Carte Blanche Partenaires. Le réseau de soins ne garantit pas le remboursement de la prestation d’examen de vue par l’opticien. Ce dispositif conçu dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale*, a été pour le moment gelé par la crise sanitaire. « Je reste extrêmement prudent, dans l’attente de l’acceptation par le ministère de la Santé », confie Jean-François Tripodi. « Sur le principe tout est validé cependant et Opht&Go devrait voir le jour d’ici la fin de l’année. »

Des cabines de télé-consultation en magasins audio et optique ?

Santéclair travaille actuellement sur cette option : « Nous avons toujours pensé qu’il fallait mettre les opticiens dans la boucle à un moment ou un autre pour améliorer l’accès aux soins visuels. Or les outils techniques et les solutions juridiques sont là », déclare Marianne Binst, directrice générale de Santéclair. Le réseau de soins, qui a déjà développé 2 partenariats de télé-médecine avec MesDocteurs et 2e Avis, a lancé en test dans les magasins d’optique et audio des plateaux techniques de consultation ORL : « Les résultats sont probants : les technologies et les logiciels de transmission de données sont là, le modèle repose sur une unité de lieu et une unité de temps, l’appareillage peut se faire dans la foulée en magasin dès réception de l’ordonnance transmise par le médecin ORL », précise la directrice générale de Santéclair. En phase de test, la consultation est prise en charge en totalité par le réseau de soins.

« Nous avons toujours pensé chez Santéclair qu’il fallait mettre les opticiens dans la boucle pour améliorer l’accès aux soins visuels. Or les outils techniques existent tout comme les solutions juridiques »

« En optique, nous avons beaucoup moins avancé. Nous avons observé d’abord attentivement les initiatives de certaines enseignes (Krys et GrandVision, ndlr). Et nous étudions actuellement la possibilité de dupliquer la simplicité de notre modèle audio en optique. Parmi les solutions existantes, celle de Tessan est intéressante », souligne Marianne Binst. La start-up Tessan commercialise en test dans les semaines à venir une cabine de télé-ophtalmologie installée directement dans une vingtaine de magasins d’optique. Le plateau technique piloté à distance par un ophtalmologiste ou un orthoptiste permet de réaliser les examens suivants : réfraction oculaire, bilan de la cornée et bilan de la rétine. Ils sont effectués avec 3 instruments (pour le moment Luneau Technology) : autoréfracto-kérato-tono-pachymètre et topographe cornéen, rétinographe non mydriatique, réfracteur avec frontofocomètre. Le bilan de téléconsultation et l’ordonnance (si nécessaire délivrée dans la journée) sont rédigés par un ophtalmologiste.

«  Le modèle de télé-consultation en magasin doit être simple et reposer sur une unité de lieu et de temps »

Concrètement, cette télé-consultation n’intègre pas le parcours de soin (qui exige médecin traitant et spécialiste). La consultation reste donc à la charge du patient. Selon nos informations, Tessan travaille actuellement avec des réseaux de soins, dont Santéclair donc, pour une prise en charge intégrale par les complémentaires santé. Selon la start-up, la rentabilité pour l’opticien pourrait être atteinte dès 2 télé-consultations par semaine, dans le cas, bien sûr, où le patient s’équipe en magasin. Avec ce type d’initiative, le magasin d’optique pourrait devenir un portail d’entrée direct aux soins visuels.

C’est une certitude : la télémédecine au sens large du terme va faire à plus ou moins long terme partie du quotidien des opticiens dans une réorganisation de la filière visuelle. Le rapport de l’Igas le prône, actant la rapidité du progrès technologique en termes de matériel. En se positionnant sur ce créneau, les réseaux de soins entendent à la fois participer à l’amélioration de l’accès aux soins et organiser les flux clients/patients.

* L’article prévoit un dispositif pour expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits. Et ce, afin d’améliorer le parcours des patients et l’accès aux soins.

Marianne Binst

Marianne Binst,
directrice générale de Santéclair

Jean-François Tripodi

Jean-François Tripodi,
directeur général de Carte Blanche Partenaires