Même si elle a été occultée par sa mise en place chaotique début 2020 et l’impact brutal de la crise sanitaire sur l’activité des opticiens au 2e trimestre, la réforme 100% Santé reste une réalité dont les effets risquent de s’amplifier dans les mois à venir. A l’occasion du dernier comité de suivi de la réforme du 15 septembre dernier, présidé par Olivier Véran, le ministre de la Santé, les pouvoirs publics ont communiqué leurs résultats des ventes de l’offre 100% Santé au 1er trimestre 2020.

17,7% des équipements remboursés par l’Assurance maladie obligatoire au 1er trimestre 2020 relevaient du 100% Santé. Dans le détail, 12,7% correspondaient à un panier A intégral et 5% à un équipement panaché panier A-panier B verres et monture. Des chiffres en phase avec ceux communiqués par le Rof (Rassemblement des opticiens de France) issus d’une étude d’impact menée par Xerfi sur l’ensemble du premier semestre 2020* : 10,32% d’équipements panier A, 7,79% d’équipements mixtes (avec monture ou verres de panier A).

« Le taux de pénétration du 100% Santé est évalué par le ministère de la Santé à 17,7%. Un chiffre en phase avec les 18,1% donnés par l’étude de Xerfi pour le Rof »

Ce taux élevé de produits 100% Santé prouve, selon le syndicat signataire de l’accord de juin 2018, l’engagement des opticiens dans cette réforme. D’autant que le dispositif n’a pas encore atteint son rythme de croisière, loin de là, comme le souligne également le Gifo (Groupement des industriels et fabricants de l’optique) qui rappelle le prix payé par la filière de fabrication pour son succès. Et ses implications pour les entreprises françaises, étant donné que les équipements panier A (100% des verres et l’immense majorité des montures) ne sont pas produits en France. Ces chiffres restent néanmoins en deçà du taux de pénétration de 20% nécessaire à sa réussite, selon le ministère de la Santé. Olivier Véran n’a pas caché que ce pourcentage restait, de son point de vue, insuffisant et demandé aux représentants de la profession de ne pas relâcher la pression. En jeu, la population concernée : le ministère a rappelé que la réforme ne visait pas que les C2S (Complémentaire Santé Solidaire, ex-CMU et ACS chez qui 91% des équipements délivrés sont de panier A) mais tous les Français.

« 17,7%, c’est encore insuffisant pour le ministère de la Santé qui vise au minimum 20% d’équipements 100% Santé »

« Lors du comité de suivi, Il y a eu des confusions au niveau des chiffres et des écarts dus à des méthodes de calculs différents », affirme Alain Gerbel, président de la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France). Rapporté à la population concernée, le pourcentage de 100% Santé ne s’élèverait qu’à 7% environ. « Surtout, les 17,7% de 100% Santé viennent de l’Assurance maladie obligatoire », poursuit-il. « Or, depuis janvier 2020, on assiste à une baisse des flux vers la Cnam. Car, pour 9 centimes € (remboursement des équipements panier B par l’Assurance maladie depuis la mise en place de la réforme, ndlr), certains opticiens ne font plus de demandes de transmission. Donc, si les 17% des équipements remboursés sont des équipements de panier A, cela ne veut pas dire que 17% de tous les équipements délivrés le sont. »

On devrait s’attendre donc à un suivi plus strict de l’application de la réforme de la part des pouvoirs publics. Sous quelle forme ? La DGCCRF annonce une campagne de contrôles portant sur les devis. Pour rappel, selon la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale, seuls 12% des devis en optique intégraient en janvier-février dernier l’offre 100% Santé. Au-delà, on voit bien que le gouvernement reste très soucieux de la réussite de la réforme d’ici 2022. De quoi faire de celle-ci le corollaire indispensable à l’application d’un grand nombre des recommandations du rapport Igas concernant la durée de validité des ordonnances, les renouvellements et la prescription.

* L’étude porte sur un échantillon de 3 millions de factures (sur un volume global de 4,7 millions sur la période).

Marie-Dominique Gasnier, rédactrice en chef