L’optique, comme tous les secteurs du commerce, fait face à une crise sans précédent dont personne ne connaît ni l’issue ni l’impact réel sur les habitudes du consommateur « optique ». Dans cette situation d’incertitudes, votre reprise passe-t-elle par un changement radical du parcours client en magasin ou au contraire par la mise en avant des fondamentaux de votre métier ?
Bien Vu a interrogé Maher Kassab, pdg de Gallileo Business Consulting.
Pour la relation entre l’opticien et son client, y aura-t-il un avant et un après Covid-19 ?
L’épidémie balaie tous nos repères et nous met tous face à une période d’incertitudes. C’est d’autant plus vrai dans nos sociétés occidentales qui ne sont pas habituées à vivre avec une crise sanitaire comme celle provoquée par le Covid-19. A cela s’ajoute l’anticipation d’une crise économique et sociale profonde, avec l’angoisse que cela suscite. Personne ne peut mesurer tous les effets de cette situation inédite sur les habitudes des consommateurs.
« Attention à une trop grande digitalisation qui reviendrait à figer le consommateur dans une angoisse du contact avec l’opticien »
Mais il est certain qu’elle impose de nous interroger sur ce que sera la relation opticien-client à l’avenir. Doit-on accélérer la « digitalisation » des contacts, via des prises de rendez-vous ou le choix des montures en amont, la multiplication des actes à distance et la livraison à domicile ? En toute humilité, je ne le pense pas. Cela reviendrait à figer le consommateur dans une angoisse du contact avec l’opticien, alors même que nombreux sont ceux qui souhaitent retrouver leurs habitudes d’achat et le plaisir qu’offre l’expérience en magasin.
A trop vouloir « digitaliser » sa relation au consommateur, l’opticien court-il un risque ?
C’est bien là le problème. A trop développer une relation digitale avec son porteur, l’opticien risque d’accroître sa pratique du e-commerce en optique et de le « perdre » progressivement. Ce risque est réel déjà dans les 2 catégories des lentilles et des solaires non correctrices. Il ne faut pas que l’opticien contribue à mettre le pied à l’étrier aux géants du numérique qui peuvent au niveau mondial devenir les leaders de tous les secteurs, y compris l’optique. La force de l’opticien c’est le contact physique, le conseil, le choix et l’expertise en magasin. Or cette relation ne s’enrichit qu’une fois tous les 3 ans. Si elle s’appauvrit encore, il sera plus difficile de justifier le retour en magasin.
Comment recréer le flux en magasin dans les semaines et mois à venir ?
En misant sur les atouts fondamentaux du métier : l’opticien est un référent en santé visuelle et offre une expérience enrichie en magasin. Selon notre Observatoire Gallileo 2019, 89% des porteurs achètent leurs lunettes avec une primo-prescription. Ce qui veut dire que 11% seulement utilisent la possibilité du renouvellement et de l’adaptation de l’ordonnance directement par l’opticien. Cette prérogative prévue par le décret Opticiens de 2016 est donc largement sous-exploitée. A cela s’ajoute la « pénurie » d’ordonnances puisque les porteurs ne sont pas allés chez l’ophtalmologiste pendant 2 mois et que cela risque de se poursuivre.
« Pour faire venir le client en magasin, il faut mieux exploiter les possibilités du décret Opticiens de 2016 »
Pour récréer du trafic en magasin, l’opticien peut appeler tous ses clients. Toute son énergie doit être tournée vers cet objectif : convaincre les consommateurs qu’ils peuvent chez lui renouveler leur équipement (lunettes ou lentilles) sur la base d’une ordonnance valide et qu’il est le « fil conducteur » de la santé visuelle. C’est moins long, moins coûteux qu’une visite chez l’ophtalmologiste et surtout le magasin d’optique est plus sécurisant qu’une salle d’attente. Deuxième levier de retour du trafic en magasin : l’envie. Pour limiter le report d’achat, les opticiens doivent susciter cette envie d’acheter, via sa relation de proximité avec le client, l’attractivité de son magasin, son expertise produits et ses conseils.
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Maher Kassab,
pdg de Gallileo Business Consulting