Selon Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, « la crise engendrée par le Covid-19 n’est pas une affaire de semaines, ni de mois, mais une affaire d’années ». Comment envisager le redémarrage de la demande à court et moyen terme ?

Bien Vu a interrogé Xavier Timbeau, économiste, directeur principal à l’OFCE.

Comment qualifiez-vous la crise sanitaire que nous traversons ?

Nous vivons actuellement un choc considérable. Du jour au lendemain, la consommation des ménages a chuté de 35% avec la réduction d’un certain nombre de services (restauration, loisirs…). Il faut considérer que, demain, consommer certains biens et services, à l’instar du tourisme, sera difficile. Entre la peur et les mesures restrictives, comme le maintien de la fermeture des frontières pendant un temps assez long, le tourisme va changer radicalement de nature, comme d’autres secteurs, à l’image des manifestations événementielles, culturelles, sportives rassemblant une importante population dans un même endroit. Cela dit, les périodes d’après-guerre sont celles où on a souvent observé un boom de la consommation, notamment s’agissant des loisirs. On peut imaginer que la sortie du confinement se manifeste aussi par une volonté de se faire plaisir en termes d’achats.

 

Même en période de récession économique ?

L’épisode que nous sommes en train de vivre s’applique à tout le monde de la même manière. Mais la récession ne se traduit pas par une baisse uniforme du revenu et par une modification identique des consommations. Mon opinion, à ce stade de l’épidémie, est que les consommateurs vont revenir très rapidement à des comportements d’avant la crise.

« La pratique digitale devrait permettre aux commerçants d’augmenter les interactions avec leurs consommateurs et d’améliorer le parcours client »

Sans période de transition ?

Bien sûr que si. Tout le monde ne reprendra pas à l’identique ses schémas antérieurs. En Chine, on observe que les consommateurs gardent une aversion envers les lieux bondés et privilégient certains circuits : e-commerce, service à domicile… Pendant le confinement, nous aurons passé du temps sur le web et sur des outils numériques. Cette pratique devrait, au bout du compte, permettre aux commerçants d’augmenter les interactions avec leurs consommateurs, d’améliorer le parcours client et d’avoir de facto moins de monde en magasin.

La distanciation sociale pourra perdurer un certain temps. Elle aura pour effet de pénaliser un bon nombre de commerces qui souffrent déjà durement sur le plan financier. Certains postes de dépense vont drastiquement diminuer pour une période donnée. Ce qui, par ricochet, va “libérer” du pouvoir d’achat sur d’autres services, et pourquoi pas dans l’optique. Au retour à la normale, les ménages auront accumulé une épargne non négligeable qui pourra se répercuter en termes de consommation.

Quelle est votre projection sur la situation économique du pays à horizon de 6 mois-1 an ?

Nous demeurerons sous la menace de l’épidémie. Nous devrons continuer à respecter les différentes règles de sécurité sanitaire (port du masque, distanciation sociale…), afin de maîtriser la pandémie et parvenir à vivre une vie presque normale. La consommation restera sous cette contrainte : se rendre dans un bar ou dans un restaurant sera de nature exceptionnelle.

Xavier Timbeau,
économiste, directeur principal
à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques)